mardi 18 septembre 2012

« Je n’irai pas cracher sur vos tombes, j’aurai piscine », comme dirait Jean-Paul Vian.




Il y a cette copine qui m’a envoyé un mail de rupture…
J’avais rien demandé pourtant. Il était 13h30, je mâchonnais tranquillement mon sandwich en me baladant sur un site de pompes à talons que je crois encore pouvoir porter plus de 2 heures sans hurler à la torture chinoise.
Avec ma collègue Le Serpent Chinois, on bitchait sur la nouvelle stagiaire et on se demandait quand on allait muer et avoir assez de place dans nos petits corps pleins d’écailles pour la dévorer vivante.

… Et puis c’est tombé au milieu de rien, comme un four à chaleur tournante sur une patinoire, comme un lisseur dernière génération en forêt amazonienne, comme monsieur Patate au milieu d’une bande de Chippendales.

Cette fille pas vue ni entendue depuis un an et demi me jetait de son réseau de relation.
Une séparation à base de mail via un Iphone dedans ma face, elle a même pas pris le temps d’écrire une vraie lettre avec un stylo, ou au moins un truc sur un Word téléchargé illégalement.
La première question légitime que je me suis posée en voyant le format de la missive c’est, tu t’en doutes : « était-elle en train de faire caca ? » Toi aussi tu te demandes, hein ? C’est légitime.

Cette copine me disait, en substance, que comme on se voyait plus depuis qu’elle avait chié sa progéniture et que c’était pas grave si j’étais une grosse truie païenne qui méritait de bouffer les restes de son placenta, qu’elle m’en voulait pas de pas respecter la vie et de ne pas adorer son bouchon muqueux… mais que quand même, j’étais une sale mécréante.
Alors bon, c’était pas grave que je n’aie pas été là, hein, mais il fallait quand même qu’elle me le dise qu’elle ne tenait pas spécialement à revoir ma sale gueule de sorcière, et que c’était triste et que c’était pas de sa faute ni de la mienne (mais quand même plus de la mienne) si nos chemins se séparaient là.
Blablabla. Violons. Blablabla. Bisous.

Je te traduis hein, c’était pas dit comme ça, c’était enrobé à la fois d’un lyrisme mièvre et de la froideur toute journalistique de la nana qui va te rayer de sa liste de choses à faire : « acheter du PQ/ décongeler l’aligot/ virer Ocytocine de mon existence définitivement alors qu’elle a rien demandé ».

Bon, je vais pas te refaire l’histoire de plusieurs années d’amitié qui ont tourné doucement et sans infection purulente en mycose vaginale.
Sache que je n’ai pas violé sa petite sœur en invoquant le monstre du loch Ness, que je ne lui ai pas détourné son PEL pour aller à Sephora, que je n’ai absolument RIEN FAIT.
C’est peut-être ça le souci, tu me diras, j’ai laissé agoniser sans même y mettre un petit coup de bâton et j’ai à peine regardé mourir.

Les rendez-vous sont devenus plus espacés et plus courts, jusqu’au moment où il a fallu que je gobe mon dessert pour qu’elle parte plus vite, les discussions plus languissantes et vides, et puis les nouvelles sont devenues rares, autant que les pensées réciproques.
Tellement que j’ai omis de lui dire que j’étais amoureuse et qu’elle en a oublié de me prévenir de la naissance de sa fille. Oups.

C’est triste mais ce n’est pas mortel. Ça s’est juste passé comme souvent dans les histoires d’amitié : elle s’est trouvé un gros mou de la crevette quarantenaire qui a abandonné toute notion de politesse élémentaire sur une table d’opération en même temps qu’un testicule.
En signe de soutien, ma « copine » a décidé de s’automutiler de tout sens commun et critique, de s’enfouir très profondément sa jugeote dans le fondement et de se transformer en une sorte de poupée crétine de présentatrice de météo.
Bref, j’ai jamais pu encadrer son mec.
Début de sa grande histoire d’amour et fin de son amitié avec un gros morceau de ses amis. Dont moi. Même si je ne suis pas la plus importante, elle me le rappelle volontiers à la fin de son torche-cul message.

Donc elle me largue.
Ça me fait l’effet de me faire dégager par un type dont je n’ai pas le numéro et dont je ne moque même plus les maigres performances avec mes copines tellement le sujet est éculé.

Avouons que, contrairement à son tendre ami, elle a une belle paire de couilles : elle n’a pas tenu compte de mon pouvoir de nuisance écrite (soyons honnête, si j’avais voulu, j’aurais pu la pousser à s’immoler par le feu avec un simple mail), ni de ma méchanceté crasse alliée à une lâcheté perfide qui fait que je diffuse à tout le monde, plutôt qu’à elle seule, mes impressions.

Parlons-en de mes impressions, parce que c’est là où je voulais en venir.
Avant toute chose, sache que si je crache depuis déjà dix minutes c’est juste pour le pur et simple bonheur de dire du mal. Tu ne sais pas comme ça me fait des papillons dans le bidon. C’est un penchant, voire une drogue, dont je ne suis pas fière, comme certains avec les Knacki frite à la mayonnaise, Natacha Saint-Pierre ou les vibros en forme de dauphin.


Mon sentiment dans cette histoire c’est que je suis juste frustrée.
Parce que figure-toi qu’outre l’amour ou l’admiration, où je n’ai jamais excellé, je suis incapable d’exprimer mon total « rien-à-foutrisme ».
Quoi que je dise ou fasse, j’ai l’air en colère parce que déjà, j’aime trop chier sur les gens, c’est vrai, mais aussi parce que le « rien-à-foutrisme » est un sentiment interdit.

J’ai besoin que tu comprennes le concept, je sens que tu es dubitatif.

C’est comme quand on dit : « T’as vu ton ex, il sort avec une nouvelle meuf ».
- Si je dis : « j’m’en fous », ça voudra dire : je suis dégoûtée mais je le cache sous une indifférence feinte.
- Si je m’exclame avec moult sourires : «Oh, je suis tellement contente pour lui, il mérite le bonheur, les libellules et les partouzes avec des Bisounours », ça voudra dire : je suis trop fière pour avouer que mon cœur saigne, le prochain verre que je prendrai sera pour oublier l’outrage, pas parce que juste j’ai soif.
- Si je glousse : « Ouais et elle ressemble à un balai à chiottes », ça voudra dire : je suis hyper jalouse. Même si objectivement, mon interlocuteur trouvera qu’il y a une ressemblance frappante entre la demoiselle et l’objet en question.

Bref, l’indifférence que j’exprimerais volontiers par :
« Putain mais il peut bien se taper mon chat ou ma mère ou une quiche aux poireaux sur la table basse du salon que je continuerais à bouquiner sans m’offusquer le moins du monde.
À part s’il y a des projections, là je demanderai quand même de nettoyer. »
On ne la prend jamais pour ce qu’elle est.

Alors en général je ne dis rien, ce qui permet de penser que je ressens les trois à la fois : « dégoûtation »/ « tristitude »/ « jalousade ». Donc l’effet est raté.

C’est pareil quand un collègue croit me soûler en prenant le bureau près de la fenêtre ou que la meuf qui snippe mon meilleur pote se réjouit de faire une taille de fesses de moins que moi, quand je perds à un jeu de société, quand je me fais piquer la dernière place assise dans le métro ou quand on essaye de m’asticoter avec mes opinions politiques rougissantes… Je ne sais pas dire : « ç’pa grave ».

Malgré mon œil torve, mon manque de réaction, mon enchaînement sur un autre sujet de conversation… Ce beau désintéressement que je ressens pourtant foncièrement n’est absolument pas possible.
Ocytocine peut être en colère, exaspérée, courroucée, haineuse, rageuse, prête à buter la planète entière mais pas juste désintéressée.
Je suis très frustrée de ne pas savoir exprimer ce sentiment. Vraiment.
Et ça, ça m’agace PRODIGIEUSEMENT. Je ne peux pas être indifférente devant mon incapacité à trouver comment signer la puissance de mon détachement total face à une situation donnée.

Je vous le demande, comment exprime-t-on le sentiment suivant : « JE M’EN BRANLE LA RACE ». Sérieux, aidez moi, jouezpavosputes. Le birman, le langage des signes et le mime seront tolérés. Je suis prête à tout prendre.

Je m’en servirai avant tout pour répondre à la question : « Et toi, tu fais quand un bébééééééé ». Je pourrais dire autre chose que « Benh j’sais pas, après mon saut en parachute et mon rendez-vous chez M Pokora ? C’est mon nouveau gynécologue. »
Je te jure, c’est chiant de pas avoir la parade.

Il fut un ex qui m’a mis sa nouvelle-acquisition-à-base-de vagin sous les yeux et qui m’a tenu à peu près ce langage : « Je sais que tu m’aimes alors que je m’apprête à partir avec cette gourde à l’étranger. Si tu reviens, j’annule tout ».
Et benh, j’ai pas su dire autre chose que « J’aimerais tellement que tu puisses lire dans ma tête comment je… Pfff ».

Oui, il y a des moments où le style trempé, le verbe acéré, la tournure imagée, les mots mêmes, ne peuvent plus rien pour moi. Je dois reconnaître mes limites. Il y a des heures de la vie ou même moi, qui ai un avis sur tout, qui parle avant de l’ouvrir, je suis à cours de… heu… Enfin où je dois m’avouer vaincue, quoi.

Alors voilà, ma chère copine, que tu tombes sur cet article ou pas, je ne sais pas comment te le dire autrement : pffffff.

Bisous.

O.

20 commentaires:

  1. Le pire, dans cette situation où l'on se fait plaquer, c'est la blessure d'orgueil. On n'a pas pris le contrôle, on n'a pas eu le temps ou l'instinct de l'éconduire, cette raclure. Et en plus, on a de merveilleux souvenirs avec cette personne, qu'elle trahit avec médiocrité.

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  2. Désolée, j'ai pas d'autres idée pour exprimer le désintérêt que la non-réaction. Si jamais les gens sont déstabilisés par tant de clarté et essaient quand même de t'attribuer une réaction, ce qu'il faut craindre, parce que l'alternative est de considérer qu'ils ont commis quelque chose d'inintéressant, je leur renverrais la balle de façon plus ou moins subtile, en demandant à quoi ils s'attendaient comme réaction par exemple (oh pardon, j'étais censée être jalouse quand tu m'as annoncé ton mariage, c'est ça ? quelle sale égoïste je fais). Pffff, c'est bien, aussi. Sinon, arrêter de fréquenter des gens, devenir ermite et élever des chèvres au fin fond de l'Ardèche. Je suis sûre que les chèvres sont très fortes pour exprimer un désintérêt profond en plus.

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  3. Et qu'est-ce qui te fait croire qu'on en a quelque chose à foutre ? :D

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  4. Réponses
    1. t'es médecin toi?
      moi je suis de l'ecole "dites 33"
      Ok pardon, je sors.

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  5. Une de mes astuces personnelles c'est :
    "La Royal Air Force et mon intérêt ont les mêmes initiales"
    Le temps que l'interlocuteur ait compris, tu auras pris e large.


    Sven L.

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  6. Je n'ai pas de réponse à ta question, en revanche, pour ta culture personnelle, sache que dans la situation que tu nous décris, tu n'es pas "désintéressée" et tu ne fais pas preuve de "désintéressement" : ces mots signifient le détachement altruiste, que tu ne le fais pas pour toi. Par exemple, tu fais preuve de désintéressement si tu donnes tes vieilles fringues pas usées à Emmaüs ou la Croix Rouge plutôt que des les mettre à la poubelle. Dans la situation que tu décris, tu fais preuve de désintérêt, tu n'es pas intéressée ("inintéressée" n'existant malheureusement pas dans la langue française).

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  7. suis d'ac avec le commentaire précédent, en fait, ça s'assimile plus à du détachement :
    il se passe ça ? ah, c'est bien
    il se passe le contraire ? ah c'est bien
    pas mal de gens ne peuvent pas piger cela et traduisent en jalousie et autres sentiments que tu as décrits. ce n'est meme pas tout à fait du j'menfoutisme, c'est "ah bon", picétou. parce que pour s'en foutre de quelque chose, il faut déja qu'il ait un petit impact. alors que le détachement, pffft ca glisse comme un crachat de dentifrice dans le lavabo, rien ne le retient.
    comme me dit parfois une collegue "tu te fous de tout en fait"... réponse (que je ne fais pas car je tiens à ma tranquilité) : de tout, non, mais de ce que tu es en train de me dire, oui, tout à fait :)

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  8. Il faut remettre a la mode "Hier, j'ai mange une pomme".

    En version moderne tu peux essayer une reponse "LOL C KI?"

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    1. Maîtresse Gamelle21 septembre 2012 à 06:59

      ça j'aime ! "Hier j'ai mangé une pomme" c'est magique !

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    2. La variante "Hier, je n'ai pas mangé de pomme ..." peut aussi faire effet.

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  9. Y a pas mieux qu'un petit rictus, un léger gloussement et les yeux qui regardent ailleurs. Mais faut que ce soit sincère et là t'énerves sévère celui qui esperait une réaction.

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  10. Je crois que la meilleure réponse à celui qui cherche la provocation c'est la non réaction et le silence. Crois-moi, ça , ça éneeeeeeeeeeeeeeerve !
    Quelqu'un qui te dit au téléphone un truc censé te faire ch....et à qui tu réponds par un long silence, c'est top !
    Le MUST si tu as la personne concernée en face de toi c'est la regarder droit dans les yeux et ne rien dire. Comme si tu voyais à travers elle, du coup tu la gommes, elle n'existe plus. Et les gens, va savoir pourquoi, ils aiment pas être rayés de la carte du monde en un seul non-regard...
    Entraîne-toi sur le chat, puis sur Mr Patate. Crois en toi, tu peux le faire !

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  11. S'entrainer sur Mr Patate, ehm... pas trop génial pour la paix des ménages, le coup du long silence indifférent. Sur la/le concierge, peut etre ? ;-)
    le chat, il sait faire aussi, à la limite, prendre modèle sur lui, hihi

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    1. Tu sais que c'est pas con ca.... ya pas plus rien à foutre qu un chat....

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  12. +1 pour le rire (dans tous les cas si tu t'en fous ton interlocuteur sera vexé alors autant faire vite). Et la palette de rires est assez colorée pour s'adapterà toutes les situations.

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