Il y a cette
copine qui m’a envoyé un mail de rupture…
J’avais rien
demandé pourtant. Il était 13h30, je mâchonnais tranquillement mon sandwich en
me baladant sur un site de pompes à talons que je crois encore pouvoir porter
plus de 2 heures sans hurler à la torture chinoise.
Avec ma collègue
Le Serpent Chinois, on bitchait sur la nouvelle stagiaire et on se demandait
quand on allait muer et avoir assez de place dans nos petits corps pleins d’écailles
pour la dévorer vivante.
… Et puis c’est
tombé au milieu de rien, comme un four à chaleur tournante sur une patinoire,
comme un lisseur dernière génération en forêt amazonienne, comme monsieur
Patate au milieu d’une bande de Chippendales.
Cette fille pas
vue ni entendue depuis un an et demi me jetait de son réseau de relation.
Une séparation à
base de mail via un Iphone dedans ma face, elle a même pas pris le temps
d’écrire une vraie lettre avec un stylo, ou au moins un truc sur un Word
téléchargé illégalement.
La première
question légitime que je me suis posée en voyant le format de la missive c’est,
tu t’en doutes : « était-elle en train de faire caca ? »
Toi aussi tu te demandes, hein ? C’est légitime.
Cette copine me disait,
en substance, que comme on se voyait plus depuis qu’elle avait chié sa
progéniture et que c’était pas grave si j’étais une grosse truie païenne qui
méritait de bouffer les restes de son placenta, qu’elle m’en voulait pas de pas
respecter la vie et de ne pas adorer son bouchon muqueux… mais que quand même,
j’étais une sale mécréante.
Alors bon,
c’était pas grave que je n’aie pas été là, hein, mais il fallait quand même
qu’elle me le dise qu’elle ne tenait pas spécialement à revoir ma sale gueule
de sorcière, et que c’était triste et que c’était pas de sa faute ni de
la mienne (mais quand même plus de la mienne) si nos chemins se séparaient
là.
Blablabla.
Violons. Blablabla. Bisous.
Je te traduis
hein, c’était pas dit comme ça, c’était enrobé à la fois d’un lyrisme mièvre et
de la froideur toute journalistique de la nana qui va te rayer de sa liste de
choses à faire : « acheter du PQ/ décongeler l’aligot/ virer
Ocytocine de mon existence définitivement alors qu’elle a rien demandé ».
Bon, je vais pas
te refaire l’histoire de plusieurs années d’amitié qui ont tourné doucement et
sans infection purulente en mycose vaginale.
Sache que je
n’ai pas violé sa petite sœur en invoquant le monstre du loch Ness, que je ne
lui ai pas détourné son PEL pour aller à Sephora, que je n’ai absolument RIEN
FAIT.
C’est peut-être
ça le souci, tu me diras, j’ai laissé agoniser sans même y mettre un petit coup
de bâton et j’ai à peine regardé mourir.
Les rendez-vous
sont devenus plus espacés et plus courts, jusqu’au moment où il a fallu que je
gobe mon dessert pour qu’elle parte plus vite, les discussions plus
languissantes et vides, et puis les nouvelles sont devenues rares, autant que
les pensées réciproques.
Tellement que
j’ai omis de lui dire que j’étais amoureuse et qu’elle en a oublié de me
prévenir de la naissance de sa fille. Oups.
C’est triste
mais ce n’est pas mortel. Ça s’est juste passé comme souvent dans les histoires
d’amitié : elle s’est trouvé un gros mou de la crevette quarantenaire qui
a abandonné toute notion de politesse élémentaire sur une table d’opération en
même temps qu’un testicule.
En signe de
soutien, ma « copine » a décidé de s’automutiler de tout sens commun
et critique, de s’enfouir très profondément sa jugeote dans le fondement et de
se transformer en une sorte de poupée crétine de présentatrice de météo.
Bref, j’ai
jamais pu encadrer son mec.
Début de sa
grande histoire d’amour et fin de son amitié avec un gros morceau de ses amis. Dont
moi. Même si je ne suis pas la plus importante, elle me le rappelle volontiers
à la fin de son torche-cul message.
Donc elle me
largue.
Ça me fait
l’effet de me faire dégager par un type dont je n’ai pas le numéro et dont je
ne moque même plus les maigres performances avec mes copines tellement le sujet
est éculé.
Avouons que,
contrairement à son tendre ami, elle a une belle paire de couilles : elle
n’a pas tenu compte de mon pouvoir de nuisance écrite (soyons honnête, si
j’avais voulu, j’aurais pu la pousser à s’immoler par le feu avec un simple
mail), ni de ma méchanceté crasse alliée à une lâcheté perfide qui fait que je
diffuse à tout le monde, plutôt qu’à elle seule, mes impressions.
Parlons-en de
mes impressions, parce que c’est là où je voulais en venir.
Avant toute
chose, sache que si je crache depuis déjà dix minutes c’est juste pour le
pur et simple bonheur de dire du mal. Tu ne sais pas comme ça me fait des
papillons dans le bidon. C’est un penchant, voire une drogue, dont je ne suis
pas fière, comme certains avec les Knacki frite à la mayonnaise, Natacha Saint-Pierre
ou les vibros en forme de dauphin.
Mon sentiment
dans cette histoire c’est que je suis juste frustrée.
Parce que
figure-toi qu’outre l’amour ou l’admiration, où je n’ai jamais excellé, je suis
incapable d’exprimer mon total « rien-à-foutrisme ».
Quoi que je dise
ou fasse, j’ai l’air en colère parce que déjà, j’aime trop chier sur les gens,
c’est vrai, mais aussi parce que le « rien-à-foutrisme » est un
sentiment interdit.
J’ai besoin que
tu comprennes le concept, je sens que tu es dubitatif.
C’est comme
quand on dit : « T’as vu ton ex, il sort avec une nouvelle meuf ».
- Si je
dis : « j’m’en fous », ça voudra dire : je suis
dégoûtée mais je le cache sous une indifférence feinte.
- Si je
m’exclame avec moult sourires : «Oh, je suis tellement contente pour
lui, il mérite le bonheur, les libellules et les partouzes avec des Bisounours »,
ça voudra dire : je suis trop fière pour avouer que mon cœur saigne, le
prochain verre que je prendrai sera pour oublier l’outrage, pas parce que juste
j’ai soif.
- Si je
glousse : « Ouais et elle ressemble à un balai à chiottes »,
ça voudra dire : je suis hyper jalouse. Même si objectivement, mon
interlocuteur trouvera qu’il y a une ressemblance frappante entre la demoiselle
et l’objet en question.
Bref, l’indifférence
que j’exprimerais volontiers par :
« Putain
mais il peut bien se taper mon chat ou ma mère ou une quiche aux poireaux sur
la table basse du salon que je continuerais à bouquiner sans m’offusquer le
moins du monde.
À part
s’il y a des projections, là je demanderai quand même de nettoyer. »
On ne la prend
jamais pour ce qu’elle est.
Alors en général
je ne dis rien, ce qui permet de penser que je ressens les trois à la
fois : « dégoûtation »/ « tristitude »/ « jalousade ».
Donc l’effet est raté.
C’est pareil
quand un collègue croit me soûler en prenant le bureau près de la fenêtre ou
que la meuf qui snippe mon meilleur pote se réjouit de faire une taille de
fesses de moins que moi, quand je perds à un jeu de société, quand je me fais
piquer la dernière place assise dans le métro ou quand on essaye de m’asticoter
avec mes opinions politiques rougissantes… Je ne sais pas dire : « ç’pa
grave ».
Malgré mon œil
torve, mon manque de réaction, mon enchaînement sur un autre sujet de
conversation… Ce beau désintéressement que je ressens pourtant foncièrement n’est
absolument pas possible.
Ocytocine peut
être en colère, exaspérée, courroucée, haineuse, rageuse, prête à buter la
planète entière mais pas juste désintéressée.
Je suis très
frustrée de ne pas savoir exprimer ce sentiment. Vraiment.
Et ça, ça
m’agace PRODIGIEUSEMENT. Je ne peux pas être indifférente devant mon incapacité
à trouver comment signer la puissance de mon détachement total face à une
situation donnée.
Je vous le
demande, comment exprime-t-on le sentiment suivant : « JE M’EN
BRANLE LA RACE ». Sérieux, aidez moi, jouezpavosputes. Le birman, le
langage des signes et le mime seront tolérés. Je suis prête à tout prendre.
Je m’en servirai
avant tout pour répondre à la question : « Et toi, tu fais quand un
bébééééééé ». Je pourrais dire autre chose que « Benh j’sais pas,
après mon saut en parachute et mon rendez-vous chez M Pokora ? C’est mon
nouveau gynécologue. »
Je te jure, c’est
chiant de pas avoir la parade.
Il fut un ex qui
m’a mis sa nouvelle-acquisition-à-base-de vagin sous les yeux et qui m’a tenu à
peu près ce langage : « Je sais que tu m’aimes alors que je
m’apprête à partir avec cette gourde à l’étranger. Si tu reviens, j’annule
tout ».
Et benh, j’ai
pas su dire autre chose que « J’aimerais tellement que tu puisses lire dans
ma tête comment je… Pfff ».
Oui, il y a des
moments où le style trempé, le verbe acéré, la tournure imagée, les mots mêmes,
ne peuvent plus rien pour moi. Je dois reconnaître mes limites. Il y a des
heures de la vie ou même moi, qui ai un avis sur tout, qui parle avant de
l’ouvrir, je suis à cours de… heu… Enfin où je dois m’avouer vaincue, quoi.
Alors voilà, ma
chère copine, que tu tombes sur cet article ou pas, je ne sais pas comment te
le dire autrement : pffffff.
Bisous.
O.
Le pire, dans cette situation où l'on se fait plaquer, c'est la blessure d'orgueil. On n'a pas pris le contrôle, on n'a pas eu le temps ou l'instinct de l'éconduire, cette raclure. Et en plus, on a de merveilleux souvenirs avec cette personne, qu'elle trahit avec médiocrité.
RépondreSupprimerDésolée, j'ai pas d'autres idée pour exprimer le désintérêt que la non-réaction. Si jamais les gens sont déstabilisés par tant de clarté et essaient quand même de t'attribuer une réaction, ce qu'il faut craindre, parce que l'alternative est de considérer qu'ils ont commis quelque chose d'inintéressant, je leur renverrais la balle de façon plus ou moins subtile, en demandant à quoi ils s'attendaient comme réaction par exemple (oh pardon, j'étais censée être jalouse quand tu m'as annoncé ton mariage, c'est ça ? quelle sale égoïste je fais). Pffff, c'est bien, aussi. Sinon, arrêter de fréquenter des gens, devenir ermite et élever des chèvres au fin fond de l'Ardèche. Je suis sûre que les chèvres sont très fortes pour exprimer un désintérêt profond en plus.
RépondreSupprimer+1
RépondreSupprimer:->
Et qu'est-ce qui te fait croire qu'on en a quelque chose à foutre ? :D
RépondreSupprimerPPPFFFF.
Supprimer;-)
Tu peux dire : Ah.
RépondreSupprimert'es médecin toi?
Supprimermoi je suis de l'ecole "dites 33"
Ok pardon, je sors.
Une de mes astuces personnelles c'est :
RépondreSupprimer"La Royal Air Force et mon intérêt ont les mêmes initiales"
Le temps que l'interlocuteur ait compris, tu auras pris e large.
Sven L.
heeeeen... J ai compris.
SupprimerMais t'es déjà parti. huhuhu
Je n'ai pas de réponse à ta question, en revanche, pour ta culture personnelle, sache que dans la situation que tu nous décris, tu n'es pas "désintéressée" et tu ne fais pas preuve de "désintéressement" : ces mots signifient le détachement altruiste, que tu ne le fais pas pour toi. Par exemple, tu fais preuve de désintéressement si tu donnes tes vieilles fringues pas usées à Emmaüs ou la Croix Rouge plutôt que des les mettre à la poubelle. Dans la situation que tu décris, tu fais preuve de désintérêt, tu n'es pas intéressée ("inintéressée" n'existant malheureusement pas dans la langue française).
RépondreSupprimersuis d'ac avec le commentaire précédent, en fait, ça s'assimile plus à du détachement :
RépondreSupprimeril se passe ça ? ah, c'est bien
il se passe le contraire ? ah c'est bien
pas mal de gens ne peuvent pas piger cela et traduisent en jalousie et autres sentiments que tu as décrits. ce n'est meme pas tout à fait du j'menfoutisme, c'est "ah bon", picétou. parce que pour s'en foutre de quelque chose, il faut déja qu'il ait un petit impact. alors que le détachement, pffft ca glisse comme un crachat de dentifrice dans le lavabo, rien ne le retient.
comme me dit parfois une collegue "tu te fous de tout en fait"... réponse (que je ne fais pas car je tiens à ma tranquilité) : de tout, non, mais de ce que tu es en train de me dire, oui, tout à fait :)
Il faut remettre a la mode "Hier, j'ai mange une pomme".
RépondreSupprimerEn version moderne tu peux essayer une reponse "LOL C KI?"
ça j'aime ! "Hier j'ai mangé une pomme" c'est magique !
SupprimerLa variante "Hier, je n'ai pas mangé de pomme ..." peut aussi faire effet.
SupprimerY a pas mieux qu'un petit rictus, un léger gloussement et les yeux qui regardent ailleurs. Mais faut que ce soit sincère et là t'énerves sévère celui qui esperait une réaction.
RépondreSupprimerJe crois que la meilleure réponse à celui qui cherche la provocation c'est la non réaction et le silence. Crois-moi, ça , ça éneeeeeeeeeeeeeeerve !
RépondreSupprimerQuelqu'un qui te dit au téléphone un truc censé te faire ch....et à qui tu réponds par un long silence, c'est top !
Le MUST si tu as la personne concernée en face de toi c'est la regarder droit dans les yeux et ne rien dire. Comme si tu voyais à travers elle, du coup tu la gommes, elle n'existe plus. Et les gens, va savoir pourquoi, ils aiment pas être rayés de la carte du monde en un seul non-regard...
Entraîne-toi sur le chat, puis sur Mr Patate. Crois en toi, tu peux le faire !
Je le vois souvent à la télé, jvais essayer!!!
SupprimerS'entrainer sur Mr Patate, ehm... pas trop génial pour la paix des ménages, le coup du long silence indifférent. Sur la/le concierge, peut etre ? ;-)
RépondreSupprimerle chat, il sait faire aussi, à la limite, prendre modèle sur lui, hihi
Tu sais que c'est pas con ca.... ya pas plus rien à foutre qu un chat....
Supprimer+1 pour le rire (dans tous les cas si tu t'en fous ton interlocuteur sera vexé alors autant faire vite). Et la palette de rires est assez colorée pour s'adapterà toutes les situations.
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