Il faut parfois passer de PC à Mac ou de Mac à PC sans poser
des questions aussi connes que… « Humm
comment on va dans panneau de configuration ? ». Promis j’ai pas
demandé. J’ai attendu d’être à la maison pour que monsieur Patate m’explique
que bon, sur Mac ça s’appelait pas pareil, et se moque allègrement.
Changer d’entreprise c’est aussi s’acclimater à une nouvelle
alimentation sans le panini légumes grillés que l’on mangeait invariablement,
Pamela et moi, cinq fois par semaine. J’en ai fait des cauchemars à base
d’aubergines qui s’immolaient par barbecue et de tomates qui se noyaient dans
l’huile. Mais je vais mieux, merci.
Mon estomac a bien refait des siennes quand je lui ai imposé
le croque-monsieur pain Poilâne de la brasserie d’en bas, il ressemblait plus à
une pirogue qu’à un plat. J’l’ai fait passer avec des frites maison et du vin.
Histoire d’être bien certaine d’être malade.
Il faut aussi cacher que tout ça est très stressant, être
cool, souple sur ses genoux, l’Oréal dans ses cheveux et fraîche dès le lundi
matin. Et c’est pas évident quand La Chef est plus intuitive qu’un chien
d’aveugle et a un scanner d’aéroport à la place du cerveau. Depuis que je bosse
là, j’enlève ma ceinture avant d’entrer dans le bureau, j’ai peur qu’elle
sonne.
Heureusement, elle utilise à bon escient ce don de seconde
vue et m’aide chaque jour à être à l’aise avec elle et les autres. (Quoi, j’ai
dit un truc gentil, je file me laver la bouche au savon).
Donc entre les murges régulières qu’on se paye, je suis
assez lucide pour me rendre compte que dans l’ensemble c’est studieux mais pas
si désagréable que ça.
Malgré tout, y’a des problèmes que tu envisages pas quand tu
arrives dans une nouvelle entreprise. Mais vraiment pas.
Pourtant, j’ai connu dans le triste monde tragique de la pub
les pires cassos. Je t’en ai raconté deux/trois.
Mais là…
Je sais pas gérer.
Il y a, dans le fond de notre open-space aux couleurs
chatoyantes et aux gloussements fréquents, un coin sombre où nous n’allons
pas : c’est celui des imprimantes, des armoires à fournitures, des
réserves de picole et du bordel qu’on ne range jamais. Je croyais aussi que
c’était celui des poubelles, mais nan. Et ma méprise a eu des effets TRÈS TRÈS
néfastes.
J’ai appris au bout de quelques jours que c’était aussi là
que se trouvait le bureau de celui que nous appellerons Pépé.
Un midi, je déjeunais avec mes collègues le Serpent à
Lunettes et le Serpent Chinois : ces femmes à la langue aussi bifide que
la mienne et qui me font sentir moins seule brute dans ce monde d’agneaux.
Entre deux méchancetés, j’ai demandé qui était Pépé
exactement. Elles ont gloussé et secoué leur petite queue de serpent à
sonnettes, et moi j’ai jubilé parce que j’ai la même et j’avais bien envie de
frétiller aussi des horribles histoires qu’elles allaient me raconter.
Elles m’ont dit : « Attends on t’a gardé le meilleur pour la fin… Pépé il vit dans un autre
monde. Ce type, tu lui donnes un rond à dessiner, il va tellement t’embrouiller
la tête qu’à la fin il va te suggérer qu’en fait c’est un carré que tu voulais.
Et tu vas passer des HEURES à obtenir ce que tu veux. UN PUTAIN DE ROND. »
J’ai dit « C’est
un peu nul comme anecdote ».
Elles ont essayé « Il
a fait un gamin à sa belle-mère chilienne après qu’elle a épousé son père pour
pouvoir manger ».
J’ai dit « Là… C’est
mieux ».
Elles ont agité leurs écailles vertes et ont sifflé :
« Mais le meilleur tu le découvriras
toute seule ».
Après on a dévoré un agneau vivant, bu un café, rampé
jusqu’à nos bureaux et on s’est remise à travailler.
Je me suis dit que pire que se taper sa marâtre, ça semblait
un peu compliqué. Je pouvais m’attendre à trouver des cadavres de Dalmatiens
dans ses tiroirs, rien de moins. Tonton Freud et sa fille/demi-sœur seraient
certainement d’accord avec moi.
J’étais, malgré les risques d’éviscération réels, très
curieuse de me confronter à Pépé. Alors je suis allée le voir pour lui donner
du boulot. Et quand j’ai vu le bestiau,
je me suis dit : « Bon ok, il
est horrible avec ses dents qui jouent à saute-mouton et ses tapis de sol sur
les bras, mais c’est pas non plus l’horreur. »
Il m’a dit bonjour et là j’ai compris que j’avais un
problème.
Un problème NOUVEAU et GRAVE.
Dès qu’il a ouvert la bouche, j’ai eu l’impression de me
retrouver la tête plongée dans la litière d’Hector Lafiotte après un abus de
pâté au saumon. C’est comme si on avait vomi un repas à base de thon à l’huile
de foie de morue, de choucroute et de jus d’orange Leader Price, et qu’on
l’avait laissé sécher au soleil.
J’ai poussé un couinement d’horreur en me souvenant que mes
collègues-vipères avaient dit : « des
heures pour le moindre dossier… Des heures pour obtenir un putain de ROND
et pas un CARRÉ». Autrement dit des heures à respirer dans l’arrière-train
d’un phacochère indisposé.
J’allais pas tenir. C’était une évidence. Surtout pas dix
minutes après le déjeuner. Sa belle-mère elle devait avoir vraiment peur de
rien ou vraiment très faim pour pouvoir encaisser un truc pareil.
J’essayais de ne pas imaginer la scène et déjà il commençait
à s’approcher de moi, TOUT PRÈS, pour me demander des renseignements parce que
PFIOOOOUUUU c’était pas clair mon truc.
Et puis il a re-soupiré. Et là, tu vois, je me suis dit que
visiter les égouts de Paris ou la morgue de Gare d’Austerlitz, je pouvais le
faire sans les mains maintenant.
La prochaine autopsie de colon, elle est pour moi les mecs.
Question fondamentale que Socrate ne s’est pas assez
posée : comment dire à quelqu’un qu’il sent mauvais de la bouche ?
Frau Ocytocine m’ayant appris à ne jamais dire de
méchancetés frontales grâce à son regard qui sous-entendait : « Dis le moindre mot et je te fais ravaler tes
ratiches dans l’ordre dans lequel elles sont sorties », il m’est
impossible de dire clairement à quelqu’un : « Mon dieu mais tu as mangé ta poubelle de salle de bain ou c’est
moi ? »
Parce qu’à ce niveau-là c’est plus un problème de brosse à
dents fainéante, là c’est son sani-broyeur interne qui est bouché. Au scanner,
tu retrouves obligatoirement des cadavres de souris et une pleine assiette de
champignons.
Je pourrais suivre les conseils judicieux de monsieur Patate
Frite, lui demander s’il n’est pas déjà mort, mais je ne suis pas sûre qu’il
saisirait la subtilité du message. Parce qu’on se demandait quand même comment
on pouvait survivre en ayant un système digestif qui fait demi-tour à
mi-chemin.
Bien sûr, j’ai essayé la technique du lâche : les
mails. Mais il vient à mon bureau pour que je lui explique et se penche sur mon
écran pour bien relire les trois lignes que je lui ai écrites.
Alors je me colle au mur et j’attends que ça passe. Ma
collègue « Serpent-Chinois » (de loin ma préférée pour sa fourberie
digne de ses ancêtres) se marre un peu et puis finit par compatir parce qu’elle
n’est pas loin et que bon… Ça a tendance à se diffuser rapidement.
Après qu’il est parti la dernière fois, ma chef a dit « tiens, va bosser sur ce CATALOGUE avec
Pépé ». Et moi qui suis un bon petit soldat, je me suis dit que déjà
un quatre pages je tombais dans les pommes, alors un pavé d’une centaine de
pages… Elle a vite lu dans mes yeux la détresse totale.
Elle m’a dit « bon
ok je m’en occupe… Mais tu fais toute ma facturation à la place ».
Je ne pensais pas sauter de joie un jour à l’idée de faire
la facturation. Pour moi c était la pire des purges.
Ouais… Un nouveau travail, décidément, ça crée des
problèmes, mais aussi des solutions.
j'aime TELLEMENT le télétravail...
RépondreSupprimerUn récit à perdre haleine : fais-le lire à Pépé.
RépondreSupprimerdrole drole drole ! j'aime bien le passage de la ceinture !
RépondreSupprimerJ'ai rigolé bêtement.
RépondreSupprimerEt pourtant je crois avoir tout vu en tant qu'ex-roliste et ex-chasseur.
Car entre le gros qui ne s'est lavé qu'à l'avant-première de star wars (il pleuvait) et l'homme des bois qui fait son savon lui-même, il y a quand même du niveau.
Sven L., je compatis.
Putain, mon nouveau job à moi commence demain matin... Maintenant, j'ai peur !
RépondreSupprimerbonjour madame O, j'ai eu d'abord un tout petit haut le cœur, mais là j'avoue je suis dégoutée. j'ai même le petit air , la petite moue dégoutée. beurk. je vais lire le post d'avant pour me changer les idées.
RépondreSupprimerdes tic-tac ? (ça existe encore au fait ? ptet changé de nom, je sais pas trop), des pastilles vichy ? (idem), des chewing gum ? en plus de passer pour "super sympa de proposer des bonbons", tu l'achèveras peut-être s'il est diabétique, on ne sait jamais (double effet kiss cool ! ah ben vi tiens, ceux-là aussi peuvent marcher)
RépondreSupprimerenfin, l'effet est temporaire, mais le temps de lire un mail ensemble, ptet ça peut atténuer, nan ?
hmm... ok, "évier/wc bouché depuis 10 ans" + bonbon menthe ou orange, ehm... à tester, quoi... l'aventure, les nouvelles expériences, toussa toussa
bon courage en tout cas !
Tu peux rependre la rumeur que quand les gens n'acceptent pas un bonbon quand ils viennent a ton bureau, tu es tres tres vexe, genre c'est le deshonneur (bien sur seul Pepe sera assez credule). Puis tu fais tout par mail. Oblige de venir te voir, oblige de prendre le bonbon. Ca pourrait meme l'encourage a bosser par mail, vu qu'il est peut-etre allergique aux bonbons. En plus le jour ou il aurait confiance tu peux discretement l'empoisonner aux metaux lourds (faut un chimiste/pharmacien complice par contre).
RépondreSupprimerOu aussi, un soir, laisser un dentifrice sur son bureau avec un post-it "Cadeau!"
J'ai 1000 idees. Et je remercie la providence de travailler dans un recoin de bunker atomique.
Effectivement l'idée de Gentil Salaud sur les bonbons est plutôt pas mal. Mais je dirais plutôt des chewing-gums à la chlorophylle, il paraît que c'est le parfum le plus efficace. Tu peux aussi lui faire mâcher du persil, si c'est efficace contre l'odeur d'ail cru ça doit bien l'être pour le reste...
RépondreSupprimerEn principe, c'est aux délégués du personnel et membres du CHSCT de lui faire comprendre que son odeur pose problème, mais peut-être ont-ils échoué, ou peut-être la boîte est-elle trop petite pour que vous en ayez ?
fais-lui écouter "attentat 2" de IAM, le passage où ils s'adressent au fameux peintre en exil Stabre, extrait :
RépondreSupprimer"Bonjour je suis le fameux peintre en exil Stabre
Moi c'est Chill 25 ans élevé aux pâtes en sauce
Voici Messire Imhotep, président de notre assoc'
En deux mots, le boss de la ross et du matos
Mais dis-moi, tu flingues de l'haleine zé
Ouvre la bouche et les accords de Genève sont violés
Ainsi que 20 résolutions sur les armes chimiques
C'est bien beau d'être artiste, mais la douche ça existe"