jeudi 26 avril 2012

Quand la Vitamine D prime.



J’ai toujours vu le corps médical comme une bande de martiens en blouses blanches venus étudier le corps humain et son fonctionnement, à la fois si complexe et si parfaitement crétin. Sous leur enveloppe de chair se cache certainement une créature bicéphale violette qui trouve ridicule de devoir s’arrêter toutes les deux heures de faire ce qu’il fait pour pisser/manger/boire/regarder un cul passer.
Ou alors comme une secte dont le gourou, avec son sceptre-bistouri, prône l’amour du paracétamol et du bain de pus.

Dans tous les cas, le principe même de devenir médecin me semble être un sacerdoce pour gens n’ayant pas toute leur tête ou toute leur humanité. C’est peut-être parce que je côtoie uniquement des médecins tarés.

Entre ma dermatologue qui rêve que je parte enfin dans un pays tropical pour lui ramener une maladie inconnue à base de vers dévoreurs de couenne (avec la chance que j’ai, je trempe l’orteil dans le Gange et je deviens le patient zéro de la peste ocytocinienne. Tant qu’à faire, autant qu’elle porte mon nom)…
… et mon dentiste secrètement amoureux de mon frère qui considère que :
1/ Une femme c’est fait pour souffrir : « vous expulsez des enfants, vous pouvez bien me cracher une dent ».
2/ Une femme piercée c’est fait pour subir le divin châtiment encore plus que les autres : « avec toutes les boucles que vous avez aux oreilles, c’pas une petite anesthésie qui va vous faire peur ». Si on considère qu’une seringue de 20 centimètres est petite. Effectivement.
3/ « La peau de votre frère est d’une douceur et d’une fragilité telle que je dois le garder plus longtemps sur le fauteuil… Il ne se plaint de rien LUI, c’est un AAAaaaaaAAAaaange. »

… Il y a aussi mon ORL vietnamien qui est toujours libre parce que personne n’ose l’appeler pour prendre rendez-vous : « Allô, je voudrais un RDV avec le docteur Von Truong… Heu nan… Tang Vuong, heu… Heu, bon, passez-moi le docteur Martin » et qui ressemble comme deux gouttes d’eau à ma mamie viet’.
Il a un accent de blanchisseur, mais quand il s’agit d’insulter son matériel, son vocabulaire est digne d’un bon charretier bien de chez nous : « Putain de bordel à queue, ça pèse un âne mort ! ».
Oui, je laisse cet homme me racler le fond du tympan et comme ça je ne rate pas une miette de son langage fleuri. Même lorsqu’il me dit que y’aurait de quoi illuminer le palais de Versailles avec ce qu’il y trouve.

Mais de tous, celui que je préfère, c’est ma généraliste.
Attention tonton Freud, prends ton Bic quatre couleurs et note qu’elle s’appelle comme ma maman, et qu’en soi c’est une bénédiction des dieux que de s’appeler comme sainte Frau O.

Cette femme me suit depuis mon adolescence ombrageuse et je ne l’ai pas vue vieillir, en effet, elle ne fait que sécher sur pied. Je pense que d’ici 40 ans je la retrouverai dans la section égyptienne du musée du Louvres.
C’est le stéréotype de la vieille fille maigrichonne et pas jolie qui ne porte que des chaussures anti-sudation et des jupes mi mollets. Elle n’a que deux gilets : un mauve (anciennement violet foncé) et un taupe (anciennement chocolat il me semble), en laine bouillie, of course.
Ces goûts vestimentaires valent ses goûts musicaux. Un fois, mon père est rentré à la maison dans un état de choc terrible, dans le cadre de son travail il a fait une réunion avec elle qu’elle a conclue par un morceau d’accordéon, son passe-temps sur les trois petites heures de loisirs qu’il doit lui rester par semaine en dehors de son cabinet.

Bref, c’est ma martienne préférée et c’est pas pour son physique. Quoique. Le jour où elle a mis une paire de boucles d’oreilles, j’ai été plus choquée que si elle m’avait reçue en jarretelles avec un fume-cigarette dans le cul.
Cette ode à la féminité m’a rappelé son statut d’humain, et pas seulement de docteur. C’était presque aussi obscène que croiser son maître hors des cours quand on est en primaire, on croit qu’il vit dans la classe et on ne peut pas admettre qu’à côté il ait une vie où il va à Leclerc acheter des cornichons doux avec 20% de produit offert.

Elle fait partie de ces médecins où tu irais comme tu irais faire du shopping : « il vous faut autre chose ? Paracétamol ? Doliprane ? Courgettes, mou pour le chat ? », et elle sort même cette phrase que toute fille normalement inhibée du frifri a envie d’entendre, et rien que pour ça je ferais Paris-Marseille pour la voir elle et pas une autre : « bon, je vous mets un an de prescription de pilule, comme ça vous serez tranquille ». Il est possible que je lui aie dit une ou deux fois que je l’aimais.

Elle croit aussi en l’auto-évaluation des besoins d’arrêts maladies et souvent les rendez-vous se transforment en négociations, dont je sors toujours perdante.
-        Je vous arrête combien de temps ?
-        - Heu… Jusqu’à vendredi ? Genre 3 jours ?
-       - Moi j’vous aurais mis deux semaines… Mais va pour 3 jours si vous sentez que ça suffit !
-       -  Eh merde…


Cette fois-là j’y allais pour faire mon certificat médical pour le sport. Un mois après voir repris. Pour être bien BIEN sûre que si j’avais dû faire une crise cardiaque, elle serait déjà faite. Je vis dangereusement moi.

Et encore une fois je suis surprise qu’elle ne s’offusque jamais de rien qui sorte de ma bouche, voire elle semble goûter mon humour.
-        64, c’est bien c’est un cœur de sportif…
-        Nan c’est un cœur de mégère qui ne s’en sert pas beaucoup.
-        Hihihi pas d’amoureux en vue ?
-        Si, mais c’est le seul pour qui il sert. Pour le reste je préfère user de la bile.
-        Bon bah vous reviendrez me voir quand vous aurez un ulcère, hihihihi.
Cette bonne humeur permanente alors qu’elle vit au milieu des mouchoirs sales et des diarrhées aigües reste pour moi un mystère… comme est pour elle un mystère le comment on attache mes chaussures.

Elle croit aussi à fond aux bienfaits de l’homéopathie et me conseille régulièrement des cures que même un diplômé de polytechnique ne pourrait pas suivre : « alors celui-là tous les 6 jours et ça 2 fois par semaine. Celui-ci… Disons toutes les deux semaines et enfin ça... Et benh une prise maintenant et la prochaine dans six mois ». Elle semble très satisfaite de son bousin jusqu’à ce qu’elle remarque mon regard torve de fille qui se nourrit à l’huile de palme et aux colorants alimentaires et ajoute « oui bon peut-être qu’il vaut mieux le noter sur un calendrier… pour pas oublier ça serait plus simple ».
Ça fait quinze ans que personnellement je trouve plus simple de ne pas faire ses cures. Mais elle met tellement de bonne volonté que je lui laisse me prescrire ses petites gélules que je n’achète jamais.

Malgré son amour des médecines parallèles et de l’accordéon, elle est hyper stressée et plusieurs fois elle a été à deux doigts de tomber de sa chaise à force de faire des petits bonds.
Une fois elle a même jeté mon vaccin à travers la pièce, un mouvement nerveux qu’elle-même n’a pas vu venir, la seringue s’est fichée dans le lino de son cabinet, à quelques centimètres de mon pied. Elle aurait aussi bien pu me la planter dans l’œil. Elle m’a envoyée acheter un autre vaccin et cette fois, elle l’a fait tomber sur le pèse-bébé.
J’ai dit que je reviendrais un autre jour.
Je ne suis pas revenue et le vaccin pourrit dans une mare d’huile de poivrons confits depuis deux ans.

Malgré ça, je lui porte une confiance aveugle à elle et au troisième œil que sa vilaine frange beigeasse et sèche cache. En me tendant mon certificat médical qui me permettait enfin de suer sans risquer la rupture d’anévrisme, elle a hésité et puis elle a dit :
-        Votre maman m’ a dit… (Ma mère dit TOUT à tout le monde, la coiffeuse, ses collègues, les médecins, la sainte-vierge savent avant Maîtresse Gamelle ce qui m’arrive, et notez bien qu’ils doivent s’en foutre comme de leur première grenouillère à motifs) Votre maman m’a dit que vous aviez eu l’appendicite et une double otite et aussi que vous aviez perdu votre travail… Ça fait beaucoup.
-        Ah oui j’vous confirme c’est pas mon année…
-        Hum… J’vais vous mettre une petite prescription de vitamines D ça va vous requinquer !
Pour ma martienne championne de l’homéopathie, aucune déprime ne résiste à une bonne piquouse de vitamines D dans le fion… On a enfin compris comment combler le déficit de la sécu, là, nan ?

-        Ahahaha oui si vous voulez… Ça me filera pas un CDI et ça nous rendra pas le Congo, comme disent les Belges…
-        Et une petite prescription de 6 mois de pilule, hein ?
-        (Mes yeux se sont embués de larmes) Oh…
-        Renouvelable 6 MOIS !
-        Docteur, je t’aime.

Pour elle, j’irais vivre sur Mars et grâce à son open-bar à pilule, on vivra heureuses et on n’aura pas d’enfant.

10 commentaires:

  1. hoooo j'suis grave jalouse de ta toubib ! j'en veux une comme ça ! j'ai eu le modèle un peu plus jeune en province y a loooooongtemps, mais j'en n'ai jamais retrouvé depuis que je suis près de Paris.

    la mienne (un peu moins cata que la précédente que j'ai lachée apres 2 engueulades) est quelquefois un chouia autoritaire, voire a (parfois ? avec moi ?) quelques soucis avec le pouvoir... et s'étonne chaque fois que je semble me connaitre (coté santé) mieux (depuis presque 50 ans que je me côtoie !) qu'elle, que je ne vois que depuis un peu plus d'un an... ça commence déja à crisouiller...

    j'peux etre sympa et tout, mais quand y s'agit de ma santé, j'ai un peu de mal à dire "amen" à des trucs idiots ("z'avez un peu trop de tension, faut prendre le médoc qui va vous donner la pêche d'un macaroni cuit mais que le cardio (de m..., vu une fois, pas deux) vous a prescrit"... hem) sur lesquels elle bloque bêtement. alors que sur d'autres trucs, elle assure plutot, ça va. ce qui fait que je la supporte... pour le moment... va pas durer, je le sens...

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  2. Attends, moi aussi j'ai d'excellents conseils à te donner ! Par exemple, l'huile de foie de morue, c'est tout plein de vitamine D. Et si jamais tu fais ta chochotte du palais, tu peux aussi partir au soleil...
    (Par contre je serais toi, je changerais de dentiste)

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    1. C'est aussi plein de vitamine A qui en grande quantité nuit à l'action de la vitamine D.

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  3. héhé je mesure ce dont je me prive en n'ayant pas vu un médecin depuis 25 ans :)

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  4. Haha ! voir son instit en-dehors de l'école... En fait pour moi c'était quand même assez courant, en plus elle avait son jardin juste à côté de la cour de l'école et son logement au-dessus des salles de classes, donc on savait bien qu'elle avait une vie. Mais j'ai immédiatement pensé à la nounou de mon fils qui m'a dit récemment "aujourd'hui je les (elle en garde 4) ai fait manger plus tôt, ils ont été rapides, du coup j'ai mangé avant de les coucher. C'était la première fois qu'ils me voyaient faire, ils avaient l'air étonnés."

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  5. Je ne sais pas définir comment je me sens en voyant que tu demandes un arrêt de travail de trois jours. Juste le temps de ne pas être payée, c'est idiot non ? Ma généraliste demande plutôt -et assez rarement, elle sait comme ces jours de carence pénalisent la plupart de ses patients- si elle m'en fait un, mais elle ne m'a jamais proposé moins d'une semaine. Mais la seule fois où elle me l'a rédigé, et d'office, ce n'était pas pour ma maladie, mais pour celle de mon fils. Et là, on n'a droit qu'à 3 jours, non rémunérés. Du coup j'ai préféré poser mes RTT...

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  6. Les "nouveaux" internes arrivent dans 4 jours (top chrono ...).

    Je t'en mets quelques-uns de coté si ta généraliste te déçois.

    ... de rien, c'est cadeau :-)

    Amicalement,
    Kébra

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  7. Aha Frau O. qui raconte ta vie à tout le monde, j'ai le même modèle à la maison, et je compatis! Sinon la prescription de un an de pilule, GG!

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