mercredi 7 mars 2012

Les joies de la digestion.

Pour commencer, sachez que Frau Ocytocine, ma génitrice tyranico-mère poule adorée, est venue en ces pages et A COMMENTÉ un article. C’est aussi ahurissant que d’imaginer ton prof de philo de terminale en pleine partouze à Nouméa ou ta grand-mère te parler de ses cours d’« ultimate ».
Heureusement, ma mère croit qu’à chaque article je rouvre un blog, donc sa compréhension du machin est somme toute assez sommaire et on devrait limiter la censure.

Tandis que ma mère envahissait, tel un panzer bourré d’amour filial, mon blog rose chiotte et devait certainement s’offusquer de mon manque d’engagement politique en gloussant quand même un peu, c’est une autre mère qui nous recevait en ses appartements. Celle de monsieur Patate Frite.
BELLE-MAMAN. MY DEAR BEAUTIFUL MUMMY.

En bonne aigrie, je devrais détester ma belle-mère et en faire des articles haineux à la race.
Mais quitte à décevoir mes fans en délire et à rater un très bon article, elle est ce qu’on fait de mieux en matière de belle-mère. Disons que la seule chose qui m’angoisse un peu chez elle, c’est le fait qu'on finisse la bouteille de rosé en rigolant comme des hyènes, j’me dis que mon mec a pas trop trop résolu son complexe d’Œdipe.
Mais tant pis, je lui voue une affection particulière car elle m’a soumise à grands coups de régimes de gratins aux courgettes et autres merveilles gustatives, et je ne mords pas la main qui me nourrit. Si je n’ai pas de cœur, du moins ai-je, à n’en pas douter, un estomac avec une sensibilité et la reconnaissance du ventre.

Or, nous étions dans le coin de par chez elle dimanche, car musée intéressant il y a dans le coin. Et goinfrés nous nous sommes. Beaucoup.
Or, le musée que nous allions voir ne se prêtait pas vraiment à de telles débauches alimentaires avec option gâteau en dessert AVANT la visite.
Et APRÈS on n’aurait certainement pas eu envie parce que le musée en question est quand même un peu malmenant pour l’estomac donc APRÈS non plus.

En effet, depuis que nous nous connaissons, mon chauve et moi-même avons toujours dit que nous irions visiter le Musée de l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, autrefois appelé Musée Fragonard.
Un endroit où qu’est-ce que dans l’ensemble t’as intérêt à avoir l’estomac accroché et à aimer fort le bouillon de légumes.

Deux ans plus tard, on a enfin réussi à se bouger le troufignon et à y aller. Vu le temps qu’on a mis à faire ça, tu devines que c’est pas demain qu’on va ouvrir le compte commun ou remettre les rideaux qui se sont cassé la gueule. C’était pourtant juste sur notre ligne de métro hein, c’était pas le bout du monde. Mais comme ce n’était déjà plus à PARIS mais déjà en BANLIEUE, je crois que ça a un peu effrayé nos petites habitudes de Parisiens.
Ce qui est bête, on aurait pu passer à côté d’un truc vraiment cool.

LE MUSÉE FRAGONARD DONC. T’as compris, ça bute.

Si comme moi tu es une grosse pointure en matière de peinture des derniers siècles (traduction : que tu sais que Léonard de Vinci n’est pas un personnage de Dan Brown, que Durer n’a pas fait que des pochettes d’albums et que Picasso n’est pas qu’une marque de voiture hors de prix), tu sais que Fragonard (Jean-Honoré de son prénom, en toute simplicité tu remarqueras), c’est le patronyme d’un peintre du XVIIIème rococo porté sur les scènes de genre et les petites culottes qui volent, un bourgeois fin de race qui a senti la révolution française passer très très fort dans son popotin.


Et si tu ne le savais pas, et benh maintenant TU SAIS. J’ai toujours dit que j’aurais dû faire des cours d’histoire de l’art revisitée.



Tout ça pour dire que le Fragonard dont je te parle présentement, c’est pas celui-là.
Mais son cruel cousin Honoré-tout-court. Il a certainement été privé du « Jean » après qu’il a tué un chat.
Car celui-ci a évolué loin des portrait érotico-nian-nian de son cousin, comment te dire… Bon, les petites demoiselles, il préférait les découper en morceaux plutôt que les faire rouler dans le foin. Et c’est ce qui fait tout son charme et sa réputation.
J’ai l’impression de te faire une révélation franc-maçonnienne de la mort, mais si ça se trouve tu connais déjà tout ça sur le bout des doigts. Le cousin Fragonard, il est connu pour ses « Écorchés ».

[Attention si tu lis ce qui suit, tu ne regarderas plus jamais une tranche de lard comme avant. À tes risques et périls, hein.]
Les écorchés sont des corps qui ont été « embaumés » grâce à une technique de conservation tout à fait particulière (et gore). En gros, voici la recette de notre préparation du jour :

- Imiter Dexter en enlevant tout le sang parce que ça tache la blouse et que ça fait du boudin.
- Injecter du suif de mouton mijoté à feu doux dans les veines plutôt que la cire utilisée jusque-là (qui a dit que le gras c’est pas bon pour la santé ?) avec un peu d’huiles essentielles parce qu’on est pas des porcs et qu’on aime bien quand ça sent bon.
- Enlever tous les morceaux en trop pour ne laisser apparaître que ce qui est lolant à regarder (genre le cœur et tout le petit bordel qui en sort).
- Faire une marinade avec de l’alcool, puis laisser sécher sur le bord de la fenêtre.
- Colorier les veines en bleu et les artères en rouge pour éviter qu’on confonde quand même, la encore on est pas des sauvages.
- Badigeonner de vernis pour pas que notre corps se fasse dévorer par la première saloperie de larve venue et que ca brille un peu bordel de bois.
C’est prêt, vous pouvez déguster chaud, froid ou en salade.

Fragonard, en plus d’avoir la qualité d’être un psychopathe de la meilleure espèce, avait un sens de l’humour tout particulier que je partage plus de 200 ans après.
Il trouvait ça un peu chiant les mecs allongés les bras le long du corps, alors il a opté pour un peu de fun.
- Vas-y que je te rajoute un cheval, que je reproduis des scènes mythologiques, vas-y que je te fais danser la gigue au fœtus et taper dans les mains aux singes… Que ça bouge un peu, que diable !
Et voilà le résultat :






Je t’en mets pas trop, c’est à voir en vrai et je ne doute pas qu’à la fin de la lecture de mon post tu sauteras dans la ligne 8 direction Maisons-Alfort.

Bref, Fragonard, c’était pas la moitié d’un joyeux drille et ça se voit. Je n’imagine même pas le nombre de touristas qu’il a collées à ses contemporains en montrant ses œuvres.
Il n’empêche que c’est très impressionnant à voir que benh tu réalises que des systèmes sanguins ou nerveux t’en vois pas tous les jours dans « 20 Minutes » et que ça vaut le coup de savoir comment que ça fonctionne.

Mais si Fragonard est clairement le clou du spectacle, le reste du musée n’en est pas moins tout à fait réjouissant. Autant la salle des écorchés est un vrai cabinet de curiosités, autant les autres salles sont baignées de lumière et peintes dans un blanc éclatant plus proche du musée de sciences naturelles, son charme est hors du temps et tout à fait reposant.



Moi non plus je ne pensais pas me dire « tiens si j’allais voir un musée d’anatomie et de pathologie et me passionner pour la digestion de la vache et penser ‘alors c’est ça la rumination… intéressant !’ » ni comparer deux mâchoires avec concentration et sérieux. 
D’ailleurs, si tu viens les mains dans les poches, y’a des chances que tu comprennes peau de nouille, fort heureusement tu ne décolleras pas de ton oreille ton audio-guide, qui déversera d’une voix douce les pires dégueulasseries propres au corps humain dans tes oreilles sans que ça te choque outre mesure.
Tu le prendras très certainement parce que tiens-toi bien, il est GRATUIT.
Si tu es un jeune puceau de moins de 26 ans, la place aussi. Par contre, si t’es une vieille carne bonne à te faire « vitriniser » avec le reste de l’exposition, tu débourseras 7 euros (que tu ne dépenseras pas dans une pinte de mauvaise bière d’un bar parisien aux prix exorbitants).


Le musée est divisé en 4 salles :

Le cabinet des curiosités.
Celle de « Fragonard le rigolard », comme on vient d’en causer toi et moi. Quoi que tu ne participes pas franchement activement à la conversation jusqu'à maintenant.

La salle d'anatomie comparée et de tératologie.
Et te voilà la main sous le menton, à t’émerveiller devant les différentes mâchoires d’animaux adaptées à leur type de nourriture de prédilection, il est possible qu’à ce moment-là tu te demandes, toi, jeune parisien, pourquoi ta bouche n’est pas mieux adaptée aux sushis, qui, soyons honnêtes, sont trop gros alors qu’on a même pas de couteau pour les couper.
Cela ne t’empêchera pas de t’extasier de comment la nature est bien faite…

… Quoique pas toujours, parce que la vitrine de tératologie c’est quand même la preuve que quand ça déconne ça fait pas semblant.
Bras en moins, jambes en plus ou double tête… Des fois ça fait un sacré bordel.

N’oublie pas que quand tu appelles ta biatch « ma sirène », tu lui dis qu’elle ressemble à ça.
La sirénomélie, c’est pas un compliment, c’est une dégénérescence.




La nature aussi fait des gribouillis quand elle est au téléphone, la preuve en images avec ce joyeux bordel osseux, ou comment naître avec la tête dans le fion (qui a dit qu’il y avait des limites à l’humour noir ? Pas moi).




La salle des squelettes
Je vais quand même pas t’expliquer ce que tu y trouves ?! Je suis sûre que t’es pas une buse à ce point. À moins que tu aimes Adam & Eve, dans ce cas n’y va pas, trop de culture ça va te faire des boutons.
La salle de pathologie
Dans son grand message d’espoir, la salle d’après t’explique que c’est pas parce que tu es né entier et à peu prêt correctement monté, avec tes 11 doigts de pied et ton allergie aux fraises, que tu vas obligatoirement t’en sortir.
Tu peux aussi calancher avec des infections, des microbes, tout un tas de merdasses qui peuvent te transformer en mikado osseux et dont on trouve un panel tout à fait représentatif sur la moquette des sièges de train de banlieue du réseau Île-De-France.
Ce ne sont plus les rats qui apportent la peste les gens, grâce à l’évolution, elle aussi elle se déplace en transport.

Spéciale cacedédi à cette vieille maladie qu’est la morve et qu’on se refilait entre humains et animaux (je veux même pas savoir comment mais tu sais la proximité, la chaleur des corps, toussa toussa), bref, la morve est une maladie affreuse qui te couvre de bubons dégueulasses pire que mon acné quand j’avais 14 ans. Je n’ai pas pu m’empêcher de me marrer quand mon audio guide m’a susurré : « attention, pour en savoir plus sur la morve, appuyez sur le bouton jaune ».

Et bon appétit bien sûr.

15 commentaires:

  1. Merci pour ces bonnes idées de visites dominicales!!!

    RépondreSupprimer
  2. Boah, p'tite joueuse : A quinze ans un de mes profs de bio nous a trainé au musée de bruxelles avec des trucs tout pareils.
    Terminé de fumer avant même d'avoir commencé.




    Sven, qui boit un coup sur le midi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. lequel de musée? que j y aille la prochiane fois que je debarque en belgerie?!

      Supprimer
    2. Désolé, c'est réservé aux membres de la faculté qui font médecine.
      (le prof avait un contact qui trouvait drôle de torturer quelques jeunes en leur mettant sous le nez des corps et répliques en cire de grands accidentés)



      Sven L.

      Supprimer
  3. Ho, faut trop que j'y aille dans ce musée.
    Il y a une partie du Palais Rohan à Strasbourg qui contient ce genre de collection, mais forcément, comme ce n'est que deux ou trois salles, il y a moins de choses.

    Bon, je n'aime pas trop Paris, mais il va falloir que j'y retourne rien que pour ça.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tous les ans aux journées du patrimoine, on a accès à la collection d'anatomie de la fac de médecine de Strasbourg. Ele n'ets pas non plus énorme, mais assez complète! (J'ai aussi vu des bouts de collection d'anat pathologique disséminés dans l'hôpital civil...)

      Supprimer
    2. Mince, si j'avais su ça alors que j'étais encore à Strasbourg ! Damned, je l'ai raté. Bon, il doit bien y avoir l'équivalent à Hambourg quand même.

      Merci quand même pour l'info Clo.

      Supprimer
    3. donnez vos adresses, c etait le but de l article un peu!

      Supprimer
  4. Sur quel post a réagi ta génitrice ?

    RépondreSupprimer
  5. Ben moi mon prof de philo de terminale je n'ai aucun mal à l'imaginer en pleine partouze à Nouméa. J'ai eu beaucoup plus de mal à comprendre comment il a pu épouser notre très élégante et stricte (et néanmoins sympathique)et pédagogue de prof d'Allemand. Ni comment elle, a pu l'épouser lui. Chacun ses mystères. Mais comme Damien, ça m'intéresse aussi, de savoir sur quel post ta Moman a réagi ?

    RépondreSupprimer
  6. Je suis tombée sur le bon post pour commencer à lire ce qui se passe ici! Merci pour le conseil, ça me donne bien envie!

    RépondreSupprimer
  7. Par hasard et justement durant mon annee de Terminale, en allant chez un mec j'y ai trouve mon prof de philo jouant d'un instrument bizarre en chantant en provencal. J'aurais prefere une partouze.

    Mon adresse special, si tu te pointes au Vietnam, c'est le musee de la guerre (War Remnants Museum). Y'en a pour tous les gouts, des instruments de torture aux malformations dues a l'Agent Orange (=dioxine). A l'epoque c'etait deja Monsanto, comme quoi le genocide ca paye bien!

    RépondreSupprimer
  8. Alors, la vraie question est: est-ce que tu as eu l'occasion de croiser le conservateur du musée? il déborde d'anecdotes tordantes et est au moins aussi chauve que Mr Patate Frite, voire plus...

    RépondreSupprimer