lundi 26 mars 2012

Just Fired.


J’avais dit à qui voulait l’entendre que l’année de mes 27 ans serait l’année de la gagne, l’année où tout se passerait. « 27 ans, c’est le nouveau 30 ans », que je disais en imitant les greluches de la mode, pour qui le gris devient régulièrement le nouveau noir.
Sauf que ça se saurait si j’étais une « pouff’ à vide-dressing », et après presque trois mois de vingt-septaine, je suis dubitative et aurais tendance à dire qu’en matière de noir j’aurais plutôt tendance à le broyer qu’à le porter, et que 27 ans c’est la loose internationale.

Quoiqu’en y réfléchissant, non.
On va dire que pour entrer en phase de « WIN », il faut renouveler, il faut une phase de délestage de tout ce qui pèse et je suis en plein dedans : LE GRAND MÉNAGE DE PRINTEMPS.
Pour commencer, je me suis débarrassée de mon appendice qui pourrissait gaiement depuis des lustres, et pour continuer je me suis allégée de mon travail.

Ouais, t’as bien entendu, j’ai été démasquée. Mes supérieurs hiérarchiques se sont enfin avoué que sous l’employée gothiquement modèle se cachait bien la plus grosse (et je ne parle pas de mon cul, là) Glandue de l’histoire du monde du travail. Si on ne compte pas mes 9 autres collègues de boulot qui n’en glandent pas plus une rame que moi, mais BON.

- Mais Ocytocine, vous… vous… ne faites rien ? Depuis des mois.
- Quoi ? J’ai pas entendu, j’avais mes écouteurs.
- Vous, vous… regardez des reportages Arte ? Vous n’avez qu’internet d’ouvert ?
- Benh nan, j’ai aussi Word… Pour les articles du blog, et Gmail, et Facebook, et Hotm...
- Vous… vous… êtes virée !
- Ouais mais je finis d’écouter le dernier titre de Ufomammut avant, et je dis au revoir aux copains sur Facebook.
- … ?!


Naaaaan, ça s’est pas passé comme çaaaaaa, évidement. Mais ça aurait pu.
En réalité, ce n’est pas mon travail qui est particulièrement remis en question, ni même mon aptitude à passer 8 heures par jour sur internet, mais uniquement la logique de l’entreprise : poste en doublon = on vire la plus jeune et la moins payée. Même moi qui ai eu 3 en maths au bac, je peux comprendre la logique.

Nan, j’ai eu droit à un chef au bord des larmes, une RH au bord de la fin de journée et pressée de nous (je dis « nous » car en plus je n’ai même pas eu l’honneur d’être la seule) expédier chez « Paul L’Emploi », un bureau qui sent la chaussette et le moisi des vieux dossiers de salariés jamais augmentés.

- Mademoiselle Ocytocine (et les autres), vous connaissez la conjoncture actuelle blablabla… Doit se séparer des collaborateurs… Blabla. Soutien psychologique, temps pour digérer la nouvelle blablabla…
- Ouais ouais, super, j’en ai rien à foutre, ton boulot c’est 8 heures de torture chinoise, c’est comme si je regardais la chaîne de l’Assemblée Nationale dans une cave, assise sur un fauteuil plein de miettes de biscotte et aucun moyen de sortir… Alors partie, je vais m’en remettre.  BON, tu me proposes combien niveau grosses thunes ? C’est ça qui va me faire chialer ou pas.

Voilà comment ça s’est passé. C’est pas mieux. Je sais.

Après l’annonce officielle que tu vas te faire lourder sans ménagement avec tes barres de céréale de dix heures, ton ficus à moitié mort de coin de bureau et tes vieux dossiers oubliés, se met en place toute une série de réactions en chaîne.

Soit tu peux accuser le coup parce que tu ne t’en doutais pas du tout et là, ma foi, je compatis : fallait vraiment être aveugle, mais ça doit faire très bizarre.
Soit, comme moi, tu fais un regard torve de vache qui vient de se revomir dans la bouche ses restes de repas mal digéré. Ne fais pas le dégoûté, c’est ça la rumination. Et tu retournes faire comme si de rien n’était. Parce que de toute façon « Rien n’est ». Il te reste encore quelques mois à tirer, alors ne crions pas victoire misère trop vite.

Oh, je ne suis pas une sur-femme… Contrairement à ce que tu penses au creux de ton lit très froid en te gratouillant le pissou et en m’imaginant avec le corps d’une biatch de magazine (débande, j’ai assez de peau d’orange pour ouvrir une usine de marmelade). Je ne suis pas au-dessus du fait de me faire virer. Mais la nouvelle ne détruit pas outre-mesure la confiance que j’ai dedans moi.

Mais si, par malheur, je n’avais pas encore digéré la nouvelle, les autres le font pour moi. Il a suffi de moins de 24 heures pour que même la nana qui vend les sandwiches soit au courant que la fille en noir s’est fait dégager comme une clocharde devant un Monoprix. Tu as beau rester discrète, ça se répand plus vite que la syphilis dans les sous-marins.

Une fois que l’information a bien fait des tours et des détours, il s’ensuit un panel de réactions parfaitement étonnantes.

POUR LES COLLÈGUES :

Licenciement = Pire que si toute ta famille était morte en tombant dans une machine à fabriquer des chipolatas.
Et il faut supporter les contacts physiques allant de la discrète caresse de l’épaule à la prise de catch maternelle qui précipite ton nez entre deux seins flasques et parfumés aux fruits pourris.
- Ma pauvre O., j’ai appris… Ça va ?
- Benh oui…
Mais tu as beau sourire et dire que ta famille c’était des cons et qu’ils méritaient de finir débités en saucisses, tu es MALHEUREUSE, tu es PERDUE et SOUS LE CHOC et personne ne te croit.
Et si, agacée, tu dis que tu avais prévu de partir dans quelques mois, tu lis dans les regards la condescendance du grimpeur professionnel pendant que tu tentes désespérément d’escalader un muret. Tu essayes de te rattraper aux branches mais tu es pathétique.

Seule solution pour t’en sortir. Dire que tu as trouvé autre chose. Ce quelque chose est toujours un peu mystérieux et forcément mieux. Il faut prendre un air radieux et faire semblant de contenir ton excitation et dire « ça va être dur mais… ».
Voilà comment j’ai acheté la paix.

OU Licenciement = Porteuse du choléra ET de la peste ET du SIDA et suspicion de contagion par ta simple présence.
Si toi tu es virée, traîner avec toi revient à entrer dans le club des losers et des futurs chômeurs. La peur de certains de mes collègues les fait changer de trottoir plutôt que de parler avec moi. Ils se sentiraient mal d’aborder ce sujet qui les terrorise. La probabilité qu’eux-mêmes se fassent mettre à la porte augmente avec le temps et c’est intolérable pour eux.
Du coup, y’en a même une que j’ai grillée à aller pisser chez les mecs pour pas entrer avec moi dans les toilettes.
Je me sens pas du tout comme quand j’avais des croûtes de teigne du chat sur les épaules, PAS-DU-TOUT.

OU licenciement = Mort.
Valable pour une bonne partie de mon service. Tu deviens transparent, tu n’existes plus, tu es déjà partie. Ma foi, c’est pas ceux que je déteste le plus. Si ce n’est que j’ai un peu peur qu’ils s’asseyent sur mes genoux par inadvertance.

POUR MOI
Licenciement = Rupture.
J’ai l’impression de m’être fait lourder par un type très gentil et profondément inintéressant… Un expert comptable en chef dans une entreprise de pompes funèbres, par exemple.
Un gars très attaché à notre routine, que je passe ma vie en survêtement troué ou pas, à faire des concours de rots ou pas, avec qui j’aurais fait un mariage de raison.
Tu sais, le genre de type à qui tu dis « attention t’as une crotte de nez » quand il vient te susurrer qu’il t’aime à l’oreille. Le meilleur ami de la passion et du romantisme, quoi.

Bien sûr, c’est extrêmement déplaisant de se faire dégager par un type dont on considère qu’il n’est pas à la hauteur, je suis donc vexée comme un pou.
J’l’aime même pas et il réussit à me sortir « Ce n’est pas toi, c’est moi… Restons amis. ». Et là je ressens toute la lâcheté crasse et le poids des milliers d’excuses que j’ai pu sortir pour ne pas avoir à partir avant.

Mais aussi et surtout, je suis soulagée de ne plus voir sa gueule de con et ses vêtements en boule sous l’évier, de ne plus entendre sa respiration sifflante, et je me demande pourquoi je n’ai jamais eu le courage de changer les serrures de l’appartement ou d’inventer un déménagement à Winnipeg avant.

Bref, je suis pressée de déménager ma brosse à dents et mes boxers sans couture. Voilà.

POUR TOI
Licenciement = Cassage de gueule de mon piédestal.

Si tu avais encore des doutes sur le fait que j’étais une personne comme toi et que se cachait sous cette couverture bloguesque une grande professionnelle de la communication, une Beigbeder version Suicide Girl avec un p’tit cul moulé dans des résilles : c’est que tu n’as jamais lu le blog ou que tu as une bien piètre estime de toi, te voilà rassuré. Comme le commun des mortels, je peux aussi toucher 1300 euros d’Assedics et aller gratter aux portes avec mon CV rose et noir à la main.

Licenciement = Articles à la chaîne. [Et merde. – NdKorrektor]
Tu vois que c’est une bonne chose, la perte de mon emploi… Heureusement, elle n’engendre pas la perte de ma diarrhée verbale de connerie et je continuerai d’occuper tes longues matinées de travail, où ton ventre gargouille pour cause de pépitos dévorés trop tôt le matin.

Licenciement = Très très bonne excuse pour avoir disparu pendant plusieurs jours.
Et finalement c’est là où je voulais en venir. Le reste est anecdotique.

13 commentaires:

  1. Enjoy la glande, ma grande !!

    Avec ton tubercule chauve d'amûuûûûr de la pacion, tous tes écrits précédents et Kebra (qui a commenté ton avant-dernier post), je vais me repéter, mais je pense sincèrement que t'as moyen d'éditer tes aventures en bd (papier et/ou online, au choix) avec en plus un petit stock de goodies à vendre et de devenir ta propre cheffe !!

    Je prendrais bien mon Nesquik du matin dans un mug rose PQ avec une cage thoracique pour piaf, moi ^^

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  2. PS : 5% pour t'avoir soufflé l'idée, héhéhé !

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  3. Monsieur Matriochka26 mars 2012 à 13:26

    Ah bah ça te laisse le temps de te goinfrer de séries à la con ! D'ailleurs un doute m'envahit... Est ce toi qui nous avait conseillé cette perle qu'est Arrested Development ? On se goinfre ^^

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  4. Méfie toi, la glandouille, on y prend vite goût. et c'est une drogue dure.

    Et toutes mes condoléances pour ta famille. C'est vrai, ça va faire beaucoup de chipos à avaler tout ça.

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  5. Damnation, plus de récit sur l'horrible vie que tu menais au bureau alors ?

    Que diable vas-tu nous raconter alors ?



    Sven L. et garde-moi un peu de chipolatas.

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  6. ah ben justement, commence à faire beau, ça tombe bien ! ils te libèrent quand, officiellement ? (fin de préavis tout ça)

    je connais ce coté vexant de se dire : "boite de daube, je me tire dès que possible", et se faire jeter pour compression de personnel (et gestion de m... accessoirement), ca m'est arrivé il y a quelques années.

    pour avoir un peu roulé ma bosse ici et là, j'peux te donner des infos et tuyaux "user guide de chez paul avant/pendant/après" en mail (ou en live si t'as du temps, as you like) (et c'est du tuyau pas crevé, garanti AOC, hihi). dis-moi si ca t'intéresse.

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  7. Ha ? T'es libre ? Quelle horreur...
    Mais il te faut travailler, car tout le monde veut du travail, en ces temps de crise.
    Non, tout le monde ne veut pas juste avoir à bouffer et un toit, non, c'est travailler qu'on veut tous. Nuance.

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  8. Je déménage aux alentours de début juillet... Dispo pour porter les cartons alors ? huhu!

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  9. Ouais, encore plus d'articles !!
    ha c'est pas ça qu'il fallait comprendre ?

    Plus sérieusement tu n'as pas l'air de trop mal le prendre, et tu sembles avoir bien raison, en gros il t'ont donné de la motivation et du temps pour faire ce que tu as "toujours" voulu, c'est à dire changer de travail.

    Le fait que tu ne l'ai pas fait par toi même est juste une question d'orgueil, mais ne t'en fait pas on vit très bien sans ;)

    en tout cas GG pour ton article au goût aigre/doux à la fois drôle et traitant d'un sujet souvent tabou.

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  10. oh non ! ma pauvre ! de toute façon il te méritait pas, vous n'étiez pas compatibles, tu es doté d'un trop grand esprit pour lui *sors le violon....l'orchestre*.

    Allez, va jouer avec M.Patate frite, va regarder Arte et va faire ta commère pour nous sortir d'autres articles pour nous détendre au travail....oups....

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  11. Bienvenue dans la grande famille des chômeurs. Tu verras par toi même, c'est que du bonheur (et un peu de pôle emploi aussi) ;)

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  12. Melle O., je suis un expert en chômage, j'y ai consacré de belles heures de ma jeunesse et de ma vieillesse, au point de me sentir inadapté à la vie active. J'en ai même fait un blog : http://sartistephane.unblog.fr/.
    Bon courage.

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  13. ... oui alors je voudrais bien rire mais je me dis que c'est pas si drôle.

    Ou alors, je ris jaune.

    Si je te dis que je compatis, tu m'éviscères?

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