mardi 5 juillet 2011

Juste à côté


Je sais pas si tu te rappelles de la Future Maman, ma plus vieille copine, celle qui ne fait rien que d’être une grosse biatch ?
Bon bah en plus de me pondre d’ici deux mois un futur poilu du nombril (mon futur filleul et homme de ma vie), elle a décidé de continuer de se vautrer dans une vie digne d’une pub Kinder.
 Pour se faire, elle se brosse les dents 42 fois par jours, lave sa peau à l’eau de javel et apprend le danois.

Non en vrai. Après avoir pris la décision de faire la sexualité sans parachute et d’enfanter dans la douleur, elle s’est mise en tête d’aller encore plus loin dans le masochisme et d’acheter une MAISON en BANLIEUE.
Heureusement qu’elle n’a  pas pris de chiot et ne passe pas ses dimanches à Ikea, sinon je l’aurais déjà poussé par accident dans les escaliers.

Une MAISON en BANLIEUE donc.
Mais genre pas la banlieue accessible en métro, même si c’est à l’autre bout de la ligne, naaaaaan.
Je te parle de La Grand Banlieue  appelée aussi « trou du cul de Paris ».
Celle oukifau avoir un pique-nique dans ton sac et deux dictionnaires pour passer le temps quand tu fais le trajet en train pour y aller.
Celle où le TER passe deux fois par jour sauf les dimanches et jours de fêtes. Ce train où quand tu le rates, tu rentres chez toi sans attendre le prochain. Tu as largement le temps de faire l’aller-retour.
J’en frémis d’horreur.
Pour te donner une idée, pour aller dans son futur chez elle à ma copine La Future Maman, je vais mettre autant de temps que pour aller à Bruxelles.
Brrrr.

Je  suis une Parisienne patentée depuis des années, Paris est mon biotope, j’y suis comme une tortue au milieu des salades, comme un rat dans un mac do ou comme une anorexique dans un magasin Kaporal 5.
La preuve, il y a des symptômes qui ne trompent pas :

- je ne gère pas les appartements de plus de deux pièces sans me perdre (et je dis bien « appartement », « maison » ne fait pas partie de mon vocabulaire) ;

- j’ai peur des insectes de jardins, je déteste les barbecues, je considère le jardinage comme une sorte de loisir créatif d’extérieur fait pour les plus de 60 ans ;

- je ne sais pas comment on survit sans le métro, je ne sais me déplacer que d’une station à l’autre, c’est ma seule manière de me repérer et d’envisager les distances et les axes ;

- je n’ai pas mon permis, j’ai fait vœux de non-conduite à ma ville où venir en voiture revient à marcher avec des talons aiguille dans la jungle (c’est compliqué et ça met en retard). D’ailleurs je suis malade en voiture : soit je m’endors, soit je gerbe ;

- je finis toujours par pleurer que j’ai perdu ma maman au milieu des rayons immenses des supermarchés de banlieue. Ou je fais une crise d’angoisse devant les 87 sortes de yaourts nature qui me sont proposés. Ou je me vautre pendant une course de caddie après que mon frère m’ait poussée dans une PLV de tampons « flux abondants ».


Ca n’a pas toujours été le cas. Dans ma prime jeunesse, je fus une banlieusarde. Difficile à croire, il fut un temps où on avait tous une  « chambre » et un « salon » et des toilettes séparées de la salle de bain et même « une cabane » dans le « jardin » et où on écoutait Francis Cabrel.

Il fut un temps où je ne faisais pas mes courses le samedi soir à 22h au Casino du coin, où je ne me décidais pas à aller aux Champs Élysées à 21h, où je ne me faisais pas payer des glaces Berthillon à minuit.
 Je ne rentrais pas du cinéma à pied, je n’allais jamais à la dernière séance sous peine de ne pas pouvoir rentrer en train.

Le train. L’histoire de toute mon adolescence.
22 ans de ma vie ont été dictés par les lois de la Sacro-sainte SNCF. La meilleure copine du banlieusard.

- J’avais une carte zone 1 à 4 qui coûtait plus cher que l’or au gramme.

- Je prenais le bus scolaire pour me rendre au collège ; il ne passait que quand bon lui semblait, une fois par heure mais pas toutes les heures, c’est pas une science exacte ma ptite demoiselle.

- Les billets de retard de la SNCF, j’aurais pu en faire des collections, des colliers, des arbres en papier mâché, si les loisirs créatifs ne me sortaient pas par les yeux.

- Puis, plus tard, quand j’ai eu mon bac et que j’ai été acceptée dans une école d’imposteurs  au sud de Paris,  j’ai rampé  dans le train de banlieue à 7h18 tous les matins pour arriver en cours à 9h à l’école.
Je pense avec effroi que je me levais à 6h30, ce qui correspond actuellement à la moitié de ma nuit.

- Parfois je me pelais le jonc sous la neige pendant 45 minutes, car c’est bien connu, le monde s’arrête en France dès qu’il y a trois flocons. Les rails de trains sont particulièrement sensibles au froid et les trains automatiquement supprimés.

- Parfois il y a eu des grèves et j’ai écouté les usagers vitupérer contre les chauffeurs, j’ai soupiré et éviter leurs regards quand ils me prenaient à partie. Hors de question qu’on me demande de cracher sur quelqu’un qui défend ses conditions de travail.

- Je courais tous les samedis soirs après le 0h45, le sacro-saint Dernier Train sous lequel un suicide avait lieu une semaine sur deux. Dans ce cas, il me fallait appeler papamaman pour qu’ils viennent me chercher à gare du nord,  en pyjama sous leurs manteaux. Je les attendais devant le mac do où je m’en étais allée acheter un café qui m’aidait à ne pas trop avoir l’air trop éméchée.

- Je croisais devant la gare désertée, des rats gros comme des chihuahuas qui rongeaient les restes de sandwich et éventraient les poubelles.

- Je croisais aussi les copains de classe dont je ne me souvenais pas le prénom ni rien d’autre et à qui je n’avais rien à dire. Je comptais les minutes - dix-sept exactement-  jusqu'à la libération, la station à laquelle je descendais.

Bref,  qui dit banlieue dit obsession des transports et de l’heure. Un copain provincial a eu la délicatesse de me décrire ainsi « Ocytocine, c’est une fille odieuse qui ne parle, entre deux méchancetés, que de cul et de retard de trains ».
C’est pas complètement faux.

- Il m’arrivait aussi de dormir chez les copines, et de leur emprunter un pyjama et une culotte.
Avec Faneliah, nous avons d’ailleurs inventé un concours du prêt de la culotte la plus moche possible.
J’ai gagné haut la main avec une sorte de combi slip en lycra orange mou aux fesses mais trop serré aux élastiques qu’elle a eu le bonheur d’afficher dans la chambre pendant des années.
Maîtresse Gamelle garde la palme du pyjama le plus affreux avec son T-shirt Johnny avec un loup brillant et un col déchiré.

Vivre en banlieue c’est vivre au milieu de rien d’autre que de maisons fermées et d’aboiements de chiens.
Chaque dimanche matin, mon père et moi faisions un pari : si on croisait quelqu’un  dans la rue principale, je payais les croissants, sinon c’est lui qui réglait la note.
Il a très souvent eu à payer l’addition.

Oh il y avait des avantages certains à être dans une petite ville-dortoir de la banlieue nord.
On n’est pas tenté en passant devant les boutiques. Parce qu’hormis 2 boulangeries et 17 coiffeurs, il n’y a aucun commerce.

On a suffisamment d’espace pour faire des soirées à la maison plutôt que dans les bars. Heureusement, parce que dans un bar de banlieue, il n’y a que des habitués qui picolent du rouge dès 8h30 du mat’,  de vieilles obsédées par le Rapido qui jouent toute la sainte journée et parfois, le soir, des jeunes qui viennent acheter assez de feuilles pour se faire un pétard aussi gros qu’un objectif d’appareil photo de paparazzi.

Mes copains de classes habitaient à moins de dix minutes à pieds, ça, c’était cool. Malheureusement mes professeurs aussi et il était compliqué de faire croire à une grippe d’une semaine quand, au troisième soir, on croisait la prof d’histoire devant la mairie, où nous traînions nos guêtres été comme hiver.
Mes  petits copains aussi vivaient à moins de dix minutes à pieds.
Et ça, ça a été un vrai GROS problème. Croiser l’Ex avec sa pouffiasse a la tête de chatte mal lavée sa nouvelle copine un brin négligée, ça a été un drame.
J’ai eu tellement mal que je ne voulais plus sortir de chez moi, je ne voulais plus aller à cette gare ou mon pire cauchemar pouvait débouler à chaque minute.
Je me suis sentie étouffée là où, jusqu’à présent, je n’étais  pas si mal.

À tel point que j’ai pris le taureau par les cornes, mes deux petits baluchons de fringues et mon semi-remorque de livres, que j’ai embrasé bien fort mes si géniaux parents que je quittais et que j’ai déménagé à Paris et que je suis devenue une véritable demi-mondaine…  
Juste à côté et tellement loin.
C’est pour ça que j’aime tellement Paris en vrai. Parce que c’est là que j’ai avancé, évolué.
La banlieue n’y était pour rien en réalité.


En portant les cartons de ma copine, en la voyant tellement heureuse de déambuler tout bide en avant entre les différentes pièces comme si elle était déjà là depuis des années, je me dis que souvent le changement de vie passe par là, le déménagement.

Peu importe que ce soit Paris ou le reste du monde.  Même si c’est pour aller en banlieue, même si c’est pour fuir la tête de rat crevé d’une fille qui vous a remplacée (pas pour longtemps, l’avenir se chargera de lui laver le visage à grand coup de larmes elle aussi). Ca a été tellement bénéfique pour moi, ça le sera certainement tout autant pour la Future Maman.

La banlieue, c’est pas si mal. Mon filleul pourra se faire des bleus gros comme sa tête dans son petit jardin, semer ses jouets dans toutes les pièces, aller voir ses copains en traversant la rue, détester les trains et passer son permis.
Vivement qu’il soit assez grand pour que sa vieille marraine le fasse picoler dans les pubs à Saint-Michel et vomir à deux heures du matin dans une poubelle de la ligne 10.

J’aime les déménagements. J’adore ça, même ceux des autres et c’est de ça que je voulais vous parler au départ et pas du tout de mes aventures en TER ligne H.
Décidément je m’éparpille en ce moment. Je suis encore tombée à côté.
Bon bah ça sera pour la prochaine fois hein.

11 commentaires:

  1. Vois le bon côté des choses : tu auras une bonne excuse pour esquiver les soirées baby sitting...

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  2. (dis donc, t'es drôlement prolifique toi ! Je suis impressionnée.)

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  3. C'est bien que tu aimes les déménagements, je trouve. A ce propos, t'es libre le 6 août ? ........................

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  4. Celeste : je suis prolifique parce que j'ai le temps... donne moi un vrai travail et tu verras que je dépote vachement moins.
    quant aux soirées baby sitting, ma copine a fort heureusement déjà un instinct maternel. elle m a interdit d approcher son fils a plus de deux mètres.

    Agathe : même si mon travail est un fake,il nécessite une certaine présence. Physique au moins. Donc c'est avec l'âme et le coeur que je t'aiderai à porter tes cartons. mouwahahaha

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  5. un joli billet plein d'angoisses et de tendresse...

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  6. Je viens de compter, j'ai déménagé 11 fois en tout dans ma vie, dont 8 de mon fait. Et c'est vrai qu'une fois le déménagement fini, ça fait du bien de se dire que quelque chose de nouveau commence.

    Par contre les potes en BANLIEUE... testé, pas approuvé.

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  7. *utain, l'Histoire de ma vie... Mais à Lyon et c'est encore plus la lose, parce qu'à Lyon, le dernier train sur ma ligne était à 21h30 (donc déjà, les happy hour avec les potes, c'était même pas la peine d'y penser).

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  8. Putain les similitudes entre ma propre jeunesse dans la banlieue nord de paris et mon arrivée à Paris et la tienne me font limite peur! Je me dit que si ça se trouve on se connait déjà! huhu!

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  9. oh pitain tu crois?
    Je t'ai envoyé un mail, si tu reconnais l 'adresse, merci de paniquer!

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  10. alleluia : 21h30... la vache. C'est compliqué de se mettre une race après 16h a Lyon donc, c'est bon a savoir hihihihi.

    Gentil salaud : je compte bien m' y rendre pour des week-end entiers et vider allégrement le frigo.
    J espère que ma copine achètera les petits pot de bébé au biscuit. Mon péché mignon.

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  11. C'est bon adresse non reconnue... Et je ne connais qu'une seule personne ayant le même prénom que toi et tu NE peux PAS être cette personne....

    Mais mail répondu d'ailleurs! huhu!

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