jeudi 7 juillet 2011

Migration d’une Cigogne (ou d’un phacochère).


La dernière fois,  c’est de déménagement que je voulais vous parler.
Mais je ne sais pas pourquoi j’ai été prise d’une crise d’angoisse au mot banlieue, il a fallu que je transcende. C’est fait. La banlieue est mon amie tant qu’elle reste loin.

Les déménagements (on se concentre). Ca tombe bien c’est la période. À peine y a-t-il deux brins de soleil que tout le monde s’emballe et emballe ses cartons. La joie des migrations saisonnières toujours plus agréables que les pendulaires (tous les jours dans le métro aux alentours de  8h30 et 17h dans les vapeurs du sommeil et les effluves de vieille sueur).

Et comme je suis une amie dévouée et que j’aime venir en aide à mon prochain, je suis de tous les déménagements des copains et des copines. Je le fais par pur don de soi, par amour, par générosité.

Nan en vrai, je suis intéressée.
Déjà, vu que j’ai tendance à avoir la bougeotte, je suis bien contente d’avoir des bras une fois tous les trois ans (surtout quand y’a 5 étages sans ascenseur et des centaines de bouquins à  se taper).
Mais aussi et surtout, je suis la parce que je sais qu’en arrivant il y aura des pains au chocolat et qu’après deux heures de suées (mon sport de l’année la semaine) il y aura le pique-nique d’intérieur entre les cartons et les lampes brisées.
Autant j’aime pas les pique-niques d’extérieurs, autant à l’intérieur je tolère.
Si je suis là, c’est principalement pour la bouffe.
Je suis comme les chats moi, je me frotte à ta jambe tant que tu me promets ma pâtée. Le reste du temps je suis pas contre un petit coup de griffes. On ne me tiendra jamais par autre chose que par l’estomac et ça, le petit coréen de la rue Violet devrait le comprendre. Il pourrait me soutirer n’importe quoi contre du porc pimenté.

Bon enfin là on n’est pas au coréen, on est en Grande Banlieue, entre un pot de peinture et un matelas emballé.
Des sandwiches improvisés, des tonnes de chips et de gâteaux, des fruits, des yaourts sans cuillères, des trucs gras/salés/sucrés et pas du tout estampillés mangerbouger.com, tout ça  est posé à même les cartons (pourtant marqués « fragiles ») et le sol sur une nappe de fortune en papier bulle.
 Il y a des bouteilles d’eau semées sur le chemin entre le camion et le salon, des bouteilles de coca qui tournent entre ceux qui sont entassés sur le canapé et ceux qui se sont résolus à s’asseoir par terre.
Je suis de ceux qui aiment se vautrer sur le sol, plus près du festin. De toute façon, c’est pas le jogging pourri que j’ai enfilé pour l’occasion qui va m’en empêcher.

Tu te doutes bien que c’est pas là que je cherche l’homme de ma vie en temps de célibat. On n’est pas là pour ça. Quoique…  Après tout le matelas n’est pas loin…

J’aime la franche camaraderie des déménagements, les yeux gonflés de sommeil de la soirée de la veille et du réveil dominical à 8h.
D’ailleurs les « déménageants » se sont fait copieusement insulter et couvrir de miettes de croissants et de gouttes de café. Quelle idée de commencer si tôt et un dimanche en plus, voilà ce qu’on leur postillonne dessus. Parce que nous, c’est bien connu, ce n’est pas à cette heure-là qu’on a commencé le nôtre… si ? Ah bon ? Me souviens pas….

Finalement on s’y met tous de bon cœur, d’un pas alerte au début, presque en courant, avec un gros sac sous chaque bras et puis de plus en plus lentement, avec des soupirs, en boudant les cartons de BD et en préférant de loin choper la couette.
- L’art de ménager ses efforts, on ne l’apprend qu’après 40 ans, me dit mon père qui a fait 25 minutes de génuflexions et  porte pour l’occasion une ceinture-corset maintenant son dos.
- Vous verrez les jeunes, vous serez par terre à implorer le dieu Cervical, que moi je porterais encore vaillamment le frigo.
Il se vante mais ça ne loupe jamais. Il pourrait rajouter « Cons de jeunes » mais il préfère distribuer les conseils et les antidouleurs avec un petit air sardonique.

J’aime pousser les meubles et trouver les gros moutons de poussière derrière, j’aime comme la maîtresse de maison s’excuse d’être imparfaite en matière de ménage devant nos ricanements et nos mines  faussement dégoûtées.
Comme si chez moi, on ne trouvait pas la même chose, comme s’il y avait besoin de pousser les meubles pour trouver les moutons. Avec tous les poils de chat qu’on trouve SUR le canapé, je pourrais facilement faire un pull.

 J’aime comme les mecs, en général, s’en foutent de la crasse et comme ils mangent le Kinder country  qu’ils retrouvent au milieu des saletés, entre deux coussins du canapé.
On les regarde avec des moues  écœurées, «  rho ça va, il est emballé ! » disent-ils.

J’aime les calculs d’ingénieurs que font ceux qui remplissent le camion, ceux que j’appelle les « gardiens de but » du déménagement.   
J’aime comme ils passent plus de temps à réfléchir une main sur le menton, une autre posée sur la porte arrière, plutôt qu’à courir avec les autres.
J’aime comme ils se font engueuler, traiter de feignasses, par ceux qui entassent les sacs autour d’eux.
- J’essaye de rationaliser l’espace, deux secondes. 
J’aime comme ils finissent toujours par se prendre une planche sur la tête pour avoir mal « rationalisé »  les étagères.

J’adore voir les nanas porter dix fois plus lourd que les hommes et se plaindre dix fois moins. J’aime voir leurs petits bras tendus, à plusieurs sur un meuble pour lequel un homme aurait suffit.

J’aime les voir commenter la peinture du nouvel appartement, glousser devant les grandes armoires vides et puis guider les hommes qui demandent immanquablement à leur compagne «  Je mets ça oùùùù… ?» avec des têtes de canetons égarés.
- Bah c’est marqué quoi sur le carton ?
- «Serviettes et gants -  salle de bain ».
- Donc ?
- Benh… heu… dans la salle de bain ?
- c’est bien mon chéri.
Elles déposent un bisou moqueur sur la bouche de l’homme et en profitent pour mettre un carton nouveau sur celui qu’il porte déjà.
- Ca aussi ça va dans la salle de bain, profites-en.
J’aime qu’après les avoir chargés comme des mules, elles plaignent leur chouchou qui a tellement transpiré et qu’elles leur rapportent de l’eau.
J’aime bien me moquer d’elles et puis faire exactement pareil avec Monsieur Patate Frite.

J’aime comme les chaînes s’organisent et se désorganisent aussi vite, comme on finit toujours par se rentrer dedans  et se dire :
- moi je fais cour/entrée et toi tu fais escalier/chambre.
- Mais nan c’est le contraire.
- ah bon ? Mais qui fais salon/cuisine alors ?
-Ché pas…
Quand j’ai déménagé de mon ancien studio au nouveau, il y avait 5 étages à descendre et jamais on a réussi à avoir une personne par étage.

Samedi donc, c’était celui de ma copine La Future Maman, qui a bien choisi son moment pour déménager : sous prétexte qu’elle est enceinte, elle pourra pas porter.
Ouais enfin elle a bien pris dix kilos sans se plaindre alors dix de plus ou de moins, elle va pas me faire chialer hein ! Ils ont bon dos le gros bide et le polichinelle qui est dedans.
Elle a fait taire toute velléité en moi de la foutre au turbin en me mettant une tartine au beurre salé dans la bouche…

… Qu’est ce que je dirais et ferais pas pour me faire payer des ptits dèj moi…

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