mercredi 25 juillet 2012

Nouvelle ère et fin du monde.


Il le semble que cette fin juillet est le moment idéal pour parler de rentrée. Ce blog est ancré dans l’actualité, une vraie annexe de Reuters. Je sais.
En même temps, c’est pas non plus le moment de mettre des pulls et de te trimballer ton parapluie et pourtant tu le fais depuis deux mois, alors hein. Y’a plus de saison ma bonne dame, même sur les blogs.

On va dire que c’est parce qu’en ce moment, au boulot, on bosse sur les campagnes de Noël (et oui, il y a un jet-lag fou dans le monde de la pub, c’est pour ça qu’il faut pas te moquer des directeurs artistiques à pull jaune citron, dans 6 mois tu voudras le même), ça me chamboule complètement.

Quoi de pire que de prononcer dès l’été des phrases du type « nan, je préfère vos boules à celles de votre concurrent » ou « p’tain ce Père Noël en cire a l’air d’un vieux pédophile… Je commande un proto pour le mettre sur le bureau ? ».
Et puis c’est ça ou je te laisse en chien pendant deux mois encore sans article, et donc sans lolade matinale de quand t’arrives au boulot.
Je sais que tu me lis entre ton café de ta mi-matinée et ton premier pipi, j’ai des stats, je te rappelle.

Oui, je pourrais te raconter mes vacances en Islande, mais y’en a tellement à dire que ça va attendre Septembre. Esprit de contradiction quand tu nous tiens.
Ou peut-être mon voyage au Japon en mars (qui a dit « inconsciente » ? T’es jaloux de mon futur troisième œil couleur nucléaire avoue?).

Je ne sais pas ce que ça signifie pour toi la rentrée, si c’est un nouveau départ avec chaussures neuves qui couinent et sac à main vidé des tickets de caisse, fourchettes et autres pièces jaunes, capotes à la date de péremption dépassées… Bref, un moment de renouveau…

... Ou seulement les impôts et le retour de la simulation de coït involontaire avec un humano-moufflon dans la ligne 1 du métro dès 8h du matin.
Une nouvelle année en apnée à subir le métro qui rend claustro, le boulot qui dévore ta libido, le dodo jamais sans suppo et tes ados qui veulent le dernier B2O (je tiens un refrain, là).
Quoi qu’on en pense, la rentrée c’est une période notable, c’est le début d’un cycle.

Pour moi, la rentrée, c’est l’ultime solitude.
Au début c’était une solitude voulue : arriver seule à l’école était une preuve de haute liberté. Je négociais chaque 1er septembre avec Frau Ocytocine, ma divine génitrice mi-poule mi-nazie, pendant qu’elle déposait son pouce gluant de salive sur le coin de ma bouche pour en enlever le dentifrice, qu’elle me laisse un peu plus de trajet à faire seule jusqu’à l’école.
Âpre travail. Il y avait 200 mètres à faire jusqu’à l’entrée de l’école. J’ai mis 4 ans à la décider à me laisser faire le chemin entier.
Fais le calcul toi-même : c’est cher payer le mètre. Mais quel bonheur de ne plus la voir me tapoter l’avant- bras en disant : « Tu me tiens la main pour traverseeeeeeer ».
Même aujourd’hui que je lui mets quarante bons centimètres dans la face et une bonne vingtaine de kilos, elle tend encore sa main vers ma cuisse.
Je lui ai dit qu’un jour je lui tiendrai à nouveau sa main, mais ça sera pour la guider vers un hospice.

Bref, arrivée en CM1 ou 2, j’ai enfin eu le droit d’enfiler seule ma veste en jean (le gothisme n’avait pas encore dévoré mon esprit), mon cartable « Chipie », et j’ai marché jusqu’aux vilaines grilles jaunes de la primaire de mon quartier et la rentrée a été, pendant quelques années, un moment de grande joie.

Mais ce plaisir de vivre cette première journée dans la paix et la solitude n’a été que de courte durée. Dès le collège, j’ai été victime de la malédiction de « celle qu’on savait pas où foutre alors on l’a mise toute seule dans une classe rien-à-voir-avec-la-choucroute ».
Du coup, je voyais toute mon équipe de l’année précédente partir vers sa première heure de cours commune tandis que je me retrouvais au milieu d’une horde de « nouveaux terrorisés/cassos/virés d’un autre collège/redoublants/élèves oubliés pendant la répartition des classes/ inclassables en tous genres ».
Il me fallait développer des trésors de psychologie pour m’intégrer très vite.

Le choix du compagnon de table était déterminant et, dès la première heure, les dés étaient jetés pour l’année. J’ai eu le malheur de passer un an de cours de français à côté d’un type qui collait ses crottes de nez sous la page du livre que nous étudiions sans penser qu’à un moment donné il allait falloir la tourner, la page.
Mes cours d’économie de 1ère, je les ai faits avec une fille qui ne se lavait les cheveux que le week-end et n’utilisait qu’un même mouchoir pour nettoyer ses lunettes, son nez et les tâches sur ses chaussures.

Et tous les ans, il fallait que je réexplique que non, je n’égorgeais pas des chats, ne partouzais pas avec de sombres chanteurs de rock tatoués dans les backstages (à mon grand désarroi) et que mon teint blanc n’avait rien d’inquiétant, tranquillisez-vous chers conseillers d’orientation, je n’allais pas vous claquer dans les pattes à cause d’un abus de scarifications, j’étais anémiée, que diable, pas suicidaire.

J’ai toujours profité de ces rentrées scolaires pour effectuer un virage dans mon look, le début des colorations, du maquillage, des bracelets à clous et des chemises à jabots (Jésumarijoseph, si le Grouft et toutes les autres boutiques de petits « gothassons » n’avaient pas existé, ma vie vestimentaire aurait-elle été plus digne ?). Je n’avais pas à me justifier de ces changements d’une année sur l’autre puisque personne ne me connaissait. Et c’était le point le moins négatif.


Pendant ce temps-là, <3 Satan <3, mon grand frère, me traitait de bouffonne, perdait 6 kilos de trouille et gagnait un abonnement au Smecta dès la mi-août.
Ma scolarité plus ou moins solitaire n’a rien à envier à celle de mon aîné de 6 ans, perdu dans une ZEP du 93 avec les avantages suivants : blond, timide, 32 kilos tout mouillé, adepte du badminton et du métal.
En effet, non content d’être un jeune sataniste aux boucles d’or, cible idéal pour toute personne un peu chercheuse de merde, il avait le malheur d’effectuer sa scolarité dans le pire lycée du 93, entouré d’ex-taulards et de jeunes pères de famille en réinsertion scolaire qui faisaient un mi-temps au lycée et l’autre dans des caves.
Un de ces lycées où la prof de maths se faisait finir à coups de corbeilles à papier et de brocs d’eau et où les surveillants faisaient des pas de danse sous l’ordre du caïd de la 1re STT (véridique).

Quand ils l’ont vu débarquer avec son sac à dos deux fois plus large que lui, ses professeurs ont prié sainte Rita, la patronne des causes désespérées, et fait apprendre par cœur sa fiche médicale à l’infirmière du lycée.
Il aurait eu marqué « tapez-moi fort et vous aurez le gros lot » qu’il n’aurait pas fait plus d’effet.
Mon frère a fait les pires rentrées du monde, le front suant collé au niveau des aisselles des autres, écrasé par la trouille et le poids de son cartable.

Il aurait dû finir cloué sur un poteau de préau ou balancé dans la poubelle de la cantine, mais il n’en fut rien. Pour survivre, il a distribué des forêts entières de copies doubles, des tonnes de notes à ceux qui séchaient, appris à jouer trèèèès bien au foot et sympathisé avec José : 92 kilos de poils, le permis de conduire avant le brevet et la puberté à 4 ans et demi.

Et il est sorti glorieusement de sa scolarité avec son bac, un instinct de survie digne d’une blatte irradiée… et une passion pour la Champion’s League. Il fallait bien qu’il y ait des séquelles.

Tu l’as compris, la rentrée, chez nous, c’est aussi catastrophique que le décès d’un hamster pour un enfant de 6 ans.
Encore aujourd’hui, l’arrivée dans une nouvelle entreprise me fait l’effet de la rentrée scolaire. J’éclate en sanglots devant mon sandwich mangé en tête à tête avec un pigeon et me fais consoler par un clochard sourd et muet, je vomis dans une poubelle de la station de métro, je renverse mon café sur le mac tout neuf qu’on vient de m’installer.

Je me disais qu’avec le temps, l’expérience, l’âge, la maturité et quelques tisanes, j’allais enfin dépasser mes angoisses du « premier jour ». Jugez plutôt.

Je me réveille à 6h00 du matin sans l’aide d’aucune sonnerie de portable. Je jette le chat qui frotte son museau sur ma bouche, il rebondit sur Monsieur Patate qui ne sursaute même pas. Je les maudis d’être si heureux et insouciants.
Je noie mon chagrin à grands renforts de pipi matinal et tire la chasse d’eau. Rien. Je préviens le proprio à 7h00 du matin, tout en essayant de maîtriser mon hystérie naissante, que les toilettes ne fonctionnent plus. Je réalise à 8H10 que j’ai juste oublié d’ouvrir l’arrivée d’eau.
À 8h20, soit 10 minutes avant le départ vers le goulag, je me crame la jambe avec une bouilloire remplie à ras-bord. Je change en catastrophe de tenue et ne remarque pas que mon T-shirt est absolument transparent, je fais l’impasse sur la réconfortante Ricorée et offre un spectacle réjouissant au passant.
Je me perds à la sortie du métro, éclate en sanglots et me fais expliquer le chemin par un type de la sécurité RATP qui, depuis, me dit bonjour chaque matin en ricanant et en lorgnant mes nichons.

Je n’ai été rassurée que quand une collègue enceinte est venue me chercher à l’accueil de l’agence avec son croissant à la main en me disant : « bon, je fais pipi toutes les deux secondes, alors on va commencer par visiter les toilettes de l’agence, et puis après on ira à la salle de pause, j’ai pas pris mon petit-déjeuner, tu bois du café ?».

La vie est une succession de moments où l’on est un enfant devant une grille d’école…
C’est toujours mieux que d’aller tricoter des Nike Air pour la première fois derrière une rizière assaisonnée au napalm.

P’tain elle craint ma conclusion.

4 commentaires:

  1. J'adore ta collègue enceinte, on devrait en mettre une comme ça dans toutes les boîtes pour accueillir les nouveaux. Si c'était un métier à part entière je voudrais le faire toute ma vie... (ma grossesse a été facile, oui je triche.)

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  2. c'est ici que j'ai déja hurlé : "Xanax !" ? me semble... ;-)

    à part la rentrée de lycée, un peu inquiète apres un college à la cambrousse (berk), toutes les rentrées ont été pour moi sous le signe de l'optimisme (qui parfois a duré quand meme bien une semaine, des fois un mois, mais pas souvent) : curieuse de trucs nouveaux, "cette fois ce sera mieux", bonnes résolutions, tout ca.
    7 ans (au lieu de 5) glandés en fac à la trentaine avec une bande de trublions déjantés a cimenté le processus : pour moi, octobre (ben vi, en fac, à l'époque, cté mi-octobre la rentrée), c'est le renouveau, fait moins chaud mais des fois un peu de soleil, je retrouvais mes potes et potesses, un nouveau programme, tout ca.
    c'est resté.
    et en gros, le seul moment pour tenter de me faire prendre (et garder quelques temps) de bonnes résolutions, c'est la rentrée (et pas du tout janvier : je hais les fetes de fin d'année ! un peu moins depuis que mon italien vient à paris pour les vacances et que ça nous dispense l'un et l'autre de sitting familial).

    ptet essayer aussi le millepertuis, c'est moins fort que le xanax et tout aussi efficace à long terme... ou le yoga... ehm... ou une bonne cuite la vieille au soir (lé dans le coin, Léo, elle devrait pouvoir te coacher là dessus, nan ? hihi)

    vala, c'était ma contribution et ma maniere aussi de t'encourager pour cette rentrée, qui a l'air quand meme de bien s'annoncer avec la collègue enceinte, si elle est représentative de l'ambiance de la boite.

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  3. Elle craint pas ta conclusion : elle arrive trop vite. Merde, t'as pas indiqué la station de métro.

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  4. J'avoue que l'accueil est rigolo en plus d'être pratique(ça devrait être le truc de base quoi : les chiottes)

    Moar !

    Sven L.

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