mardi 21 février 2012

Six pieds sous terre


Avec des potes, j'ai joué à un jeu crétin et tout à fait destructeur pour l'amitié qui consiste à définir notre animal totem.
C’était ça ou parler de cul et comme on mangeait, on s’est dit que c’était mieux l’animal totem.
Ça paraît très innocent comme ça mais quand tu as les résultats, parfois tu t’interroges sur la perception que les autres ont de toi. Je te donne mes résultats, tu vas comprendre.

1/ Le dragon de Komodo. Cité quatre fois sans consultation des différents enfoirés interrogés.
2/ La hyène. Deux fois. Le rire et l’amour de la viande faisandée, je suppose.
3/ L’hippocampe. Ça c’est monsieur patate, pas pour le côté enlacé romantique qui forme un cœur naaaaan, parce que l’hippocampette elle crache les œufs dans la bouche du mâle et après c’est lui qui se cogne l’éducation des enfants pendant qu’elle va faire du shopping. Il trouvait que ça m’allait bien, le mépris de l’ordre familial et le crachat.

Traduction : d'après mes potes, j’ai une grosse paire de « balls » sous le menton et ça cogne mes genoux quand je marche.

Quand je demande des justifications, pourquoi ils ont pas plutôt choisi un truc genre loutre tachetée mignonne ou mésange roucoulante ou ver à soie, heu… soyeux, on me dit " nan mais toi tu sais ce que tu veux, tu sais où tu vas, tu peux pas être un animal-victime, t'es obligatoirement au sommet de la chaîne alimentaire, t’es un gros lézard charognard qui tournes en rond autour de sa proie pendant qu'elle s'empoisonne et agonise doucement à la suite de tes multiples attaques et morsures ».
Sympas les potes.

Tu me diras, s’ils avaient choisi le bousier, ç’aurait été pire niveau remise en question.

Alors ok, j'ai une peau qui fait des bulbes et qui devient verte quand je suis malade (mère espagnole oblige), mais alors pour ce qui est de cette soi-disant force de caractère, je dis lol. Oui, je dis lol.
C'est pas parce que je l'ouvre très grand que je suis sûre de ce qui sort.


Par exemple, en ce moment, toutes mes copines changent d'orientation, on dirait un grand concours d'aviron où tout le monde rame ensemble vers l'horizon et, disons, l’incertitude d’un monde nouveau. C'est beau mais ça fait transpirer et couler le maquillage. C’est un grand mouvement général féminin.
Ce n'est pas une mode, c'est plutôt un passage obligatoire, je crois.

En effet, il semble que toute fille normalement constituée nullipare de 25/30 ans a cette même prise de conscience effrayante. Parce que faut pas croire, nous autres femelles on aime bien faire des plans sur la comète, chercher les prénoms de nos futurs rejetons et la couleur du chat assorti à notre futur ensemble salon-cuisine en acajou reconstitué Ikea, mais en vrai on fait comme tout le monde, on ne réfléchit que devant le fait accompli.
Et là on est devant ce grand questionnement qu’on a depuis qu’on nous demande ce qu’on voudra faire plus tard (ça donne des idées pour les costumes de la kermesse).
 « Qu’est-ce que je ferai quand je serai grande ? » Bonne question. Parce que techniquement on EST DÉJÀ grandes.
Et quand t’es grande, t’as l’air conne avec ton costume de princesse, et d’une vieille pute bio au rabais avec ta tenue de clochette.

Bon et benh, moi le lézard indonésien, je fais comme tout le monde. Je me demande ce que je vais faire de la baguette magique en plastique avec laquelle je m’agite depuis presque trente ans.

Voilà comment se sont passées les années post-bac – pré-« grande », celles où on aurait dû se poser et se répondre à soi-même, benh en fait on a fait ça :
1/ Faire des études pour devenir un "chef de projet". Projet de quoi ? L’intitulé est générique et aussi vide de sens que le boulot en lui-même. On comprend jamais vraiment mais ça va de ‘fabriquer du P.-Q. senteur jasmin’ à ‘populariser les rince-doigts dans les assiettes de crevettes en Asie Mineure’, en passant par ‘développer une marque de pneu de montagne’.
Être plus concentrée sur « comment trouver un mec pas trop con » que sur son orientation.
2/ Moins de dix ans après, le regretter amèrement. On est allergique à l’iode et y’en a plein dans les crevettes.
On a trouvé le mec pas trop con. C’est fait. Dans la morve et le sang. Mais c’est fait.
3/ Se poser la question qui tue. Pourquoi je fais un truc aussi débile qui n'apporte rien ni au monde ni à moi (hormis les chèques cadeaux à Noël) ?
4/ Se mettre en quête d'absolu. Et donc d'un boulot un peu moins abyssalement crétin.
Et à chaque fois qu’on essaye de te stresser sur un truc, dire : « Putain ça va tu sauves pas des vies, tu vends de la Javel qui pue pour des chiottes qui puent et puis même pas bonne pour l’environnement. En plus. », et passer pour quelqu’un de pas très motivé.



Tu sais que je suis en phase 4, option «collègues-dignes-d'un-hôpital-psychiatrique-en-pénurie-de-cachetons : entre la Logorrhée et ses thèses sur les croquettes pour chat, Judas I et II qui chronomètrent mes heures de présence et un chef sosie de Steven Seagal spécialisé dans les photos Facebook et l’injonction paradoxale, je suis donc en DROIT, voire en DEVOIR de me remettre en question.
C'est ça ou je vais faire une bêtise.
Genre éclater la boîte de chocolats belges qui susurre mon prénom depuis ce week-end, ou la tête de quelqu’un.
Par exemple (au hasard, vraiment en prenant le premier qui me vient sans réfléchir hein), celle de mon chef quand il me dit « crie pas sur les clients » et que deux minutes après il les traite de feignasses et qu’il dit qu’en a rien à foutre qu’ils aient une vie à côté.
Si je continue, je vais devenir l’Hannibal Lecter du centre hospitalier et je vais me manger la langue et ça serait bête parce que les piercings c’est pas digeste.


Quand j'explique ça à mon père, il soupire et me dit « J'ai comme l'impression qu'on vous a insufflé notre manque de respect pour l'autorité ». Nan, vraiment ?
Je rappelle que la dernière fois que mon père est allé aux urgences c'est pour s’être ouvert le pouce en jetant une barrière sur les flics lors d'une manifestation. Mais j’vois pas où il va pécher cette idée de problème avec l'autorité.
Disons, mon Papinou, que c’est pas que j’ai du mal avec l’autorité, c’est juste que j’aime pas qu’on me donne des ordres.


Le plus important dans ma reconversion, c'est de les fuir et de limiter dès à présent les rapports humains dans le travail. C’est mon but pour quand je serai grande.

Certaines de mes amies ont déjà franchi le pas de la reconversion totale et s'apprêtent à apprendre à faire des piqûres dans les fesses et changer des sondes à pipi. J’ai creusé dans ce sens et je me suis dit qu’un jour ou l’autre elles vont confondre 2mg et 200mg. J’ai réfléchi :
« Si je veux faire un truc utile, aider les gens tout en évitant de rencontrer le moindre être vivant, il me suffit de bosser avec les morts et je vais pouvoir m’assurer des pistons avec ma tripotée d’infirmières sexy débutantes, hum hum».
J’me suis gratté le menton, ai tiré sur Jean-Raoul, l’unique poil récalcitrant que j’ai sur le visage et qui me rappelle que pendant mes premiers mois utérins, j’étais aussi un garçon.
«Quand je serai grande, je veux devenir thanatopracteur ».

C’est pas bon signe quand ton métier te donne des envies de mort hein ? Faut VRAIMENT changer ?

13 commentaires:

  1. Tiens, je me retrouve dans ta conclusion !

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  2. Je suis à un stade intermédiaire entre 1 et 2 :
    Ya pas d'emploi et je ne peux pas l'exercer en indépendant.
    J'atteindrais jamais l'étape 2 je crois car je suis DÉJÀ en réorientation.
    Avant mes trente ans.
    Au fait, jolie oreille droite, je viens de la remarquer sur FB.
    Un conseil, tata hormone ?


    Sven L.

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  3. >Je me demande ce que je vais faire de la baguette magique en plastique avec laquelle je m’agite depuis presque trente ans.

    Avant la fin de la phrase j'ai cru que tu parlais de la patate frite et de faire des gosses tu sais...

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  4. Dans 10 ans tu continueras à chercher un sens à ce que tu fais, phase 6, 7 et plus.

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  5. Si un jour je crée une boîte, je t'embauche !

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  6. Il te faut mon metier.
    Pas de collegues, les patients tu ne connais d'eux que le scanner. En plus tu peux faire style tu sauves des vies (pour les gens, contribuer ou le faire c'est pareil) et ca gagnes bien.

    Par contre faut etre assaz calee en physique nucleaire, mais comme t'as encore dix ans devant toi...

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  7. Moi je suis plutôt sur les 4 phases de deuil.

    J'ai passé le choc atroce de DEVOIR travailler.

    J'ai passé le déni : "Mais non ! Moi je suis plus maline que les autres, je vais pas bosser ! Je vais devenir une artiste parce que j'ai Trop de talents !" J'ai d'ailleurs pas encore découvert lequel utiliser... J'hésite... Depuis environ 10 ans. J'ai le temps encore.

    J'ai passé la colère où j'avais envie de niquer toute la société. Et sa soeur avec.

    Je suis plutôt en phase d'acceptation : J'ai pas de vocation donc autant se faire un boulot qui est pas trop chiant. Et jouissons de l’extérieur ! :-p

    C'est un peu glauque, quand on y pense... Hein, mon gros lézard à écailles de mésange ? ^^

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    1. bien vu... en fait, les 5 stades à l'annonce de la mort, pour Elisabeth Kübler-Ross sont : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l'acceptation. et sans oublier, après l'acceptation, le choix qui est fait de la performance ou de la chute (y a un résumé pas trop expurgé sur wiki). ca marche encore mieux avec ces détails, d'ailleurs, puisqu'ils sont repris dans une publication sur la perte d'emploi

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  8. C'est marrant, mais sur le thème "nana indépendante et couillue", les animaux choisis collent encore plus qu'on pourrait le croire. Les femelles komodo peuvent pondre des oeufs toutes seules (des bébés dragons en état de marche et tout). Et le clitoris de Mme Hyène est de la même taille que le pénis de Mr Hyène... [c'était Arte Reportage "tchim tang tchaaa"]

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  9. En meme temps ,etre une Madame Hyene ,c'est pas plus con que d'etre un oiseau de paradis à l'oeil rond et qui piaille en agitant partout ses plumes NON ? :p

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  10. Moi j'en suis à la phase 1; je choisis un nouveau un métier en ce moment (certainement sous-préfet) ensuite je vais faire certainement juge, ce qui n'est pas trop mal non plus... Pour finir peut etre par faire diplomate... mais rien n'est sur, croyez que j'ai un truc qui cloche ??

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  11. Fait attention parce qu'un boulot qui te laisse autant de temps pour remplir ces pages roses PQ, il n'y en a pas tant que ça... en même ce n'est peut-être pas ton but dans la vie ..?!

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  12. les chèvres dans le Larzac c'est pas envisageable? Pour la planète?

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