mardi 27 septembre 2011

La petite fille modèle*.


Depuis le temps que vous me le dites que je le dis, un jour ou l’autre il faudrait vraiment que je prenne rendez-vous avec tonton Sigmund pour parler de deux trois petits complexes et traumatismes que j’ai développés au cours de mes longues années de croissance, de mûrissage et de début de pourrissage.

Bon tu connais déjà mes problèmes de livres et de salle de bain. Tous les petits vélos qui font le tour de France dans ma tête et pédalent dans la semoule. Tonton Sigmund a du fil à retordre et du fric à se faire.

Je le confesse : je suis quelqu’un de légèrement et subtilement névrosée.
Déjà je mets du rose partout sans aucun problème de conscience, je n’ai aucune compassion pour vos yeux larmoyants.
C’est la faute à ma mère (évidemment) ce manque de compassion.
Ma mère n’avait aucune race à jeter mes dessins de petites filles alors que l’encre n’était même pas encore sèche.
- Mamaaaaaaaaan, je t’ai fait un dessin.
- Elle est belle ta sorcière.
- Mais nan c’est toi.
- Ah. Déglutition douloureuse. Regarde on va le ranger dans la boîte là.
- Mais non ça c’est la poubelle…
- …
- …
- Elle est magique la poubelle.
- Ah. Bon bah je vais aller dessiner papa.
- Mets directement le dessin dans la poubelle magique ma chérie.
- D’accord. Tu crois qu’il va encore croire que j’ai dessiné un citron papa ? C’est parce qu’il est comme mamie, il est tout jaune.
J’ai su que je ne serais jamais artiste. D’ailleurs mon métier consiste à punir cette race qui a mieux réussi à dessiner sa mère/vache ou son père métis/citron que moi.

J’ai toujours été une petite fille angoissée. Genre à la rentrée des classes, j’ai beaucoup pleuré mais pas comme les autres à 8h30 quand la cloche a sonné et qu’il a fallu quitter ses parents pour aller encaisser son premier jour de dur labeur. J’avais aucune race à abandonner maman Ocytocine de toute façon déjà en retard au taf et déjà en train de me jeter dans les bras de ce qui sera plus tard la « Jeune mère » de mon blog.
Nan moi j’ai pleuré à 16h30 quand je suis sortie et que les autres enfants, joyeux de s’être rendu compte que la maîtresse était plutôt cool avec ses gommettes et ses images, sautaient dans les bras de leurs parents.
Je pleurais, mon énorme cartable vert bouteille sur le dos – récupéré de mon frère comme à peu prêt tout des dix premières années de ma vie. Chouiner n’était pas dans mes habitudes. Ma mère a lâché le magazine qu’elle feuilletait en m’attendant et s’est jetée sur moi.
- Mais pourquoi tu pleures ma chérie ?! C’est pas bien l’école ?
- Noooooon, on n’a même pas appris à lire !
Ma mère a ri et a raconté ça à tout le monde, ce qui n’est pas très « pote » de sa part, puis elle m’a expliqué qu’il fallait être patient… que ça ne s’apprenait pas en un jour.

J’ai toujours sévèrement manqué de patience.
Je le porte sur ma tronche. Littéralement. Si j’étais plus patiente, mes traits d’eye-liner seraient certainement mieux faits ou, au moins, identiques. Mais même dix minutes de maquillage pour moi c’est long.

En matière de patience, Il faudrait aussi que je lui parle, à mon tonton Sigmoudinou, des règles. Ouais le truc qui fait que les filles saignent tous les mois pendant plusieurs jours sans mourir et que ça fait d’elles les créatures du diable.
(Bouchez-vous les yeux les garçons) : moi je croyais que t’avais une fois tes règles dans ta vie et qu’après c’était terminé. Pas que tu devais saigner comme un cochon pendant quatre jours en malaxant ton bidon gonflé et en agressant toute personne qui t’approchait à moins de vingt mètres.
J’ai pris le parti de toujours être agressive comme ça on ne me dit jamais « putain mais t’as tes règles ou quoi ? » qui me donne envie de couper en deux celui qui l’a prononcé pour faire jaillir son sang à lui aussi et m’en repaître.
De mon utérus vient mon hystérie. Voilà qui n’enfonce aucune porte des débuts de la psychanalyse.

Je pensais aussi qu’on disait le « Vent des Globes », pas le « Vendée-globe » et que la bande de Gaza, c’était le groupe de potes d’un type qui s’appelait Gaza.
Je pensais que mon frère était le type le plus cool du monde parce qu’il écoutait Metallica. Quand je vois des photos de lui à cette époque, je me rends compte que l’amour et l’admiration rendent aveugle, mon frère c’était un mélange de Didier Deschamps et Dawson.
Mais ça n’a absolument rien à voir.

Très adepte du tout d’un coup ou rien, je ne comprenais pas pourquoi ma mère prenait si peu d’argent au distributeur de billets alors que l’on pouvait prendre des sommes beaucoup plus importantes. Je trouvais ses retraits de 200 francs tout à fait mesquins.
Je ne comprenais pas non plus qu’on ne rende pas la monnaie sur les chèques et qu’on ne les accepte qu’à la banque.
Je préférais largement les pièces aux billets, ce qui fit la joie de mes parents qui me gavaient de pièces jaunes pour mon anniversaire, un trésor pour moi jusqu’à ce que je sache compter.
Ils ont vite réalisé que malgré cette mentalité d’écureuil, je ne serais jamais banquière.


Faudrait aussi que je lui raconte que j’ai récupéré toute mon enfance les habits de mon frère et qu’avant ça, c’était pire : ma mère m’habillait avec un mauvais goût à toute épreuve.
J’en veux pour preuve cette photo où je porte, attention John Galliano n’a qu’à bien se tenir : un caleçon bleu avec des lions orange, les chaussures en daim noir, une chemise à volants roses et un nœud vert dans les cheveux. Déjà hyper fashion, mais avec dix ans d’avance. Ou de retard.
Et elle s’étonne ma génitrice qu’aujourd’hui je ne porte que du noir ? Grands dieux j’ai épuisé mon capital couleur dans les années 90.

Il faudrait que je lui parle du physique absolument monstrueux que j’ai eu les 13 premières années de ma vie et de la mine déconfite de mes parents qui se sont fait une raison en se disant « elle n’est pas jolie mais ça sera un génie » et qui, pour ce faire, m’ont gavée de livres jusqu’à l’overdose.
Faut-il que je dise à tonton Sigmund comment ma mère très soulagée à mes 20 ans m’a expliqué comment elle avait eu peur quand j’avais dix ans, et que bon elle n’avait pas affiché de photos sur la petite rétrospective organisée pour l’occasion pour ne pas me faire peur.
C’est vrai que tu reviens de loin… M’a-t-elle dit avec tendresse.

Il est vrai que mon acné juvénile me faisait ressembler à une pizza au chorizo plus volontiers qu’à une pré-adolescente.
Je te raconte même pas l’état de mes ratiches, une dentition de bébé né à Hiroshima, tu voyais mes dents arriver avant moi dans la pièce. Dix ans d’orthodontie, le médecin a failli demander à m’adopter tellement je passais de temps dans son cabinet à regarder le plafond en écoutant Radio Classique. D’ailleurs il est tellement fier de son travail qu’il a présenté mon cas à l’université où il donne des cours. Véridique.

Et puis j’étais hyper grosse aussi et les amis de mes parents, comme s’ils avaient besoin d’exorciser, de laisser sortir leur gêne, ne pouvaient s’empêcher de dire « Elle est costaud hein…. ».
Traduction : ta fille c’est une grosse boule de merde et de sirop de maïs.
Si j’entends un jour un adulte dire ça à un enfant devant moi, je jure de lui montrer de mes poings ce que ça signifie d’être costaud. Et puis je lui donnerai l’adresse de mon dentiste que je connais encore par cœur.

Si hier j’étais « costaud » et vilaine, aujourd’hui je suis forte et méchante. Et ça me va très bien.
Finalement z’êtes moins chers qu’un psy et tout aussi bavards.



* Ouais j’ai aussi lu plusieurs fois toute la comtesse de Ségur, quand je vous dis que j’ai eu une enfance difficile…

11 commentaires:

  1. Mais on t'en prie...
    Montre-nous la photo de ta distinguée tenue.



    Sven L.(qui avait oublié une lettre la fois d'avant)

    RépondreSupprimer
  2. T'es dingue? Je le décris et ca suffit à mon humiliation.

    RépondreSupprimer
  3. Il se trouve que beaucoup d'enfants font eux-même les pires assemblages de fringues, car ils choisissent les couleurs qui correspondent à leur humeur, leurs ressentis et leurs envies du moment. Alors bon, le caleçon bleu à lions orange il y a un taré qui a eu le culot de le créer, il y a fatalement eu des enfants pour le porter, et l'"assortir" avec n'importe quoi.
    Quand je regarde les photos de classe de ma primaire, époque bénie où la mode n'était pas encore entrée dans la cour de récré des écoles de campagne, il y avait pas mal de "perroquets". Du coup, cette photo qui te fait honte, en fouillant bien dans leurs grenier tu en trouveras peut-être des pareilles chez tes collègues fashion-victims.

    RépondreSupprimer
  4. Faut dire que les années 80/90 ca prête quand meme pas mal a rigolade en matière de look... ceci dit je devrais faire une petite recherche chez les copines... t'as raison!

    RépondreSupprimer
  5. «Mais même dix minutes de maquillage pour moi c’est long.»

    ...

    Je viens de réaliser un truc... en fait c'est pas parce qu'il y a des embouteillages que les femmes se maquillent en voiture, c'est parce qu'elles passent 40 minutes à se pomponner que les durites de la Twingo se la pètent !

    Supprimmez Loréal et on décongestionne les villes, les enfants !

    RépondreSupprimer
  6. je pensais pas que mon enfance de vilain petit canard engendrerait un débat la responsabilité de Loreal dans les embouteillages
    Mais bon. Pourquoi pas.

    RépondreSupprimer
  7. Je me sens moins seul concernant "la bande de gaza".

    La bande à bono, à basile, et à Gaza.
    Normal.
    Fin faut dire ce qui est c'est un nom con quoi... t'imagine "la bande de Bretagne" ou "la bande de Vendée (globe bien sur) ? "
    ...

    Et sinon, moi quand j'ai été voir un psy, il m'a dit (après pas mal de chèque de 50€ de lâchés...) que j'avais eu une enfance malheureuse.
    "Ok. et mes problèmes du moment ? t'y peux quelque chose ? "
    "non, ça je n'y peux rien"
    "bon ben... je crois qu'on va arrêter là... car là on s'embourbe un peu (surtout mon compte en banqe)"
    "oui, je crois que c'est mieux..."
    ...

    RépondreSupprimer
  8. Un jour qu'on dînait tous les deux, mon oncle m'a regardée et s'est exclamé d'un air surpris : "C'est drôle, j'aurais jamais cru que tu deviendrais aussi... jolie." Ça partait d'une bonne intention, mais ça t'en dit long sur les casseroles que je me traîne...
    Quant à toi, je peux au moins dire que tu as l'oreille fort gracieuse, ne t'en déplaise. L'orthodentiste y est peut-être pour quelque chose ?

    RépondreSupprimer
  9. YEMMIP : Un grand professionnel ce type, il dessinait des bite sur son calepin pendant que tu lui racontais ta vie j'espère?

    CÉLESTE : Ouais je suis pas peu fière de cette oreille. L'autre est pas mal aussi mais faut être ma copine de facebook pour la voir. Allez viens devenir la plus bonne de mes copines!

    RépondreSupprimer
  10. 4 jours de règles ! Comme je t'envie !! Oui, les femmes sont des loups-garous, sauf qu'au lieu de se transformer physiquement en loup pour saigner des brebis, elles n'en ont que le tempérament et c'est elles qui saignent. Je vous demande, où est la logique ?

    C'était bien connu, les femmes, tant qu'elles n'ont pas de gosses, sont hystériques D'ailleurs hystérique, étymologiquement, ça vient d'utérus, même racine grecque. Wikipédia et mon prof d'anglais ne mentent jamais : http://fr.wikipedia.org/wiki/Hyst%C3%A9rie

    Si Tonton Sigmund fait un tarif de groupe, je veux bien m'abonner aux hystériques anonymes. Il y a quelques trucs dont il faudrait que je lui parle...

    RépondreSupprimer
  11. texte brillantissime. Encore.

    Et pour la génitrice, j'avais la même. Pareil. Le caleçon rouge à tête de gastons lagaffe + la paire de basket de foot lotto... une grâce, une audace stylistique peu commune.

    Non vraiment Ocytocine, on se connait pas mais j'te kiffe.

    RépondreSupprimer