mercredi 31 août 2011

Man Vs. Home.


Plus que quelques semaines et je me lance dans la grande tragédie aventure qu’est la vie à deux. Bientôt mon cimetière de crèmes hydratantes entamées, de collants et de livres rangés par (dés)ordre de cohérence/auteurs/origines/place de choix sera envahi par un nouvel individu.
Même pas peur.

Bientôt viendront s’ajouter des cd de groupes obscurs, des cafards dans des bocaux, des squelettes de bestioles, des livres de philosophie indienne indigestes et une armée de cactus moribonds aux formes biscornues.
Je n’accueille pas un druide en ma demeure pourtant mais uniquement mon jeune compagnon de bisous-avec-la-langue. Mon mec. Ma biatch.

Vie de couple me voilà... Pardon, NOUS voilà car désormais nous utiliserons abusivement le « nous » qui englobera nos deux avis obligatoirement identiques pour n’en faire plus qu’un. Le mien.

Voilà les faits que nous pourrons bientôt assurer au monde entier :

- « Nous adorons le post-hardcore avec une pointe d’ambiant, mais nous ne crachons pas sur un petit album de Zazie à nos heures perdues (surtout notre partie féminine mielleuse et midinette) ».

- « Nous utilisons l’huile de ricin sur nos cheveux pour les rendre plus doux même si nous sommes à moitié chauves. (100% de cheveux sur une tête et une boule à zéro % pour l’autre) ».

- « Nous faisons 3 m 44, 130 kilos, avons deux nichons, deux estomacs au bord de l’ulcère, une coquillette et 20 doigts rongés jusqu’au sang ».

- « Nous pouvons cuisiner, téléphoner, fumer et nous gratter la narine en même temps ».

- « Nous sommes brun et blond moche, gentil et méchant, prétentieux et humble, nous adorons le fromage et nous le détestons, nous voulons faire du ju-jitsu brésilien et nous refusons catégoriquement d’en faire. »
  Bref le monde sera très différent.

En attendant « JE » suis stressée et « JE » anticipe l’arrivée de ma divine moitié de corps en lui faisant allègrement de la place depuis trois semaines déjà. Je jette, je tasse, je vide, j’optimise, je change les meubles de place.
Résultat il y a un grand pan de mur vide qui attend l’arrivée des merdes poussiéreuses des cartons de mon cher et tendre.
Il ne me reste plus qu’à faire de la place dans la bibliothèque mais ça c’est un thème encore trop sensible que je n’arrive pas à aborder. Faire de la place dans mes billy, si ca c’est pas une preuve d’amour…

Je pensais être la seule à me soucier de notre bien-être matériel, de mon "homme-sweet-homme" et moi, jusqu’à cet instant prodigieux où Mr Patate Frite est sorti en trombe des toilettes (lieu de réflexion masculine intense s’il en est) avec un prospectus à la main.
- Mon lapin, j’ai trouvé là-dedans un meuble super pour mettre mes affaires et en plus il est même pas cher. Regarde.
-…
- Quoi ça va pas, ça te plaît pas ? Pourtant il est « wengé » (doigts en crochets et mépris dans la voix de l’homme qui a fait une concession sur la couleur marron, toujours la préférée des pouffes) comme les autres, je casse pas la tyrannie la cohérence de ta déco…
-…
- Tu vas crier ?
- Tu... Tu as choisi un meuble ? Tu t’es INVESTI… Genre t’es arrivé devant ta boîte aux lettres et tu t’es dit ‘je vais regarder ce magazine Conforama et trouver un truc pour chez NOUS ‘.
Tu FAIS DES PROJETS, tu ANTICIPES ! Tu… tu prends de la progestérone ? T’as avalé ma boîte de pilules ou quoi ?
Y’a un truc qui cloche, un homme ne fait pas ce genre de choses… Ou alors tu m’as trompée et tu cherches un moyen d’apaiser la culpabilité qui te ronge… Parce que ça c’est pas une réaction de mec basique…
- Par contre, toi t’as une réaction de fille basique là…
- Pas faux.
Passée ma crise de misandrie aiguë comme j’en fais souvent, j’ai accepté que monsieur Patate Frite puisse aussi avoir une âme et un goût pour l’investissement de couple et pas uniquement pour le graphisme de pointe et la cochonnaille.

Il ne fallait pas gâcher ce bel entrain, il fallait battre le contreplaqué tant qu’il était encore chaud. J’ai donc sauté dans ma culotte et j’ai foncé chercher le meuble chez Conforama tout en me disant que de toute façon il y avait de grandes chances qu’il n’existe plus qu’en rose ou en commande ou encore au fin fond de la province.
Mais même pas, il était là et pour 59 euros et zéro centime, j’ai fait un heureux.

Heureux… Si on oublie qu’il a fallu attendre des heures au retrait de marchandises, porter le carton qui pesait un âne mort jusqu’à l’appartement et ensuite le MONTER le truc. Qui a dit que NOUS ne passions pas de joyeux week-end ?
Monter un meuble est, à mon avis, aussi agréable que de se mettre du vinaigre blanc dans les yeux, aussi facile que de réciter son cours sur les fonctions affines de seconde, aussi long qu’un dîner romantique avec un de mes collègues de travail.
C’est un moment… pénible.

Humainement, il est impossible d’aimer ça. Enfin je disais ça aussi de Shirley et Dino mais a priori il existe des masochistes dans toutes les catégories.
Mais j’ai envie de persister à croire qu’il n’y a que Maîtresse Gamelle pour recompter chaque vis et les ranger dans des verres en ordre de taille, pour lire la notice en entier, mettre les planches en ordre d’apparition, et clouer en sifflotant jusqu’à ce que « meuble » s’ensuive. (C’est moi ou en ce moment je perds en jeux de mots ?)
Pour le commun des mortels, c’est une source de conflits, de pieds écrasés et de doigts martelés, de rupture, de grognements.
Monter une porte de meuble de cuisine Ikéa n’a jamais ouvert les chakras de personne ou déclenché de grande aventure amoureuse, j’en suis sûre.


Connaissant les capacités en la matière de mon homme de compagnie, je me suis dit que la belle aventure de « Mr. Patate Frite au pays de l’engagement émotionnel et immobilier » prendrait fin à cet instant précis où il se rendrait compte que la planche numéro 1 ce n’était pas celle-là et qu’il ne fallait pas l’attacher avec la vis B.
On allait alors faire comme avec le dernier petit meuble Ikéa qu’il avait monté : on se contenterait d’y poser… heu… rien.

Mais cette fois encore, mon futur colocataire-de-lit m’a surprise en montant seul le bousin en deux fois moins de temps qu’il n’en faut d’après la notice. (N.B. : il dit que c’est une chose qu’il peut barrer sur les grandes listes de celles qui font que tu as réussi ta vie d’homme).

Même pas eu le temps de finir mon bouquin de Coetzee et ma Ricorée que déjà il redressait sa création qui ressemblait de manière troublante à ce à quoi elle était censée ressembler.
Il a allumé une clope, il a viré le chat du canap’ et il s’est assis comme un propriétaire fier de son domaine.

Il a attendu les congratulations… et j’ai abdiqué. J’ai congratulé en flattant sa virilité de mâle, ses talents ancestraux de bâtisseurs et j’étais presque pas cynique. Je me suis quand même dit qu’il avait dû oublier une planche ou une vis et quand le chat a sauté dessus pour se venger de s’être fait réveiller de sa sieste, j’ai fermé les yeux pour ne pas voir s’écrouler l’espoir de Mr Patate Frite et son tout nouveau meuble.
Mais nan. Il est resté debout et fier le bordel.

Les gens sont surprenants parfois, Mr. Patate Frite, qui est aussi adroit à mains nues qu’avec des moufles et aussi intéressé par les choses bassement matérielles qu’un ascète, se retrouve propulsé fée du logis. Les changements auraient-ils du bon finalement ?
Si ça se trouve il va plier ses fringues au carré, préparer de la nourriture saine et devenir un as de la vaisselle quand il posera son dernier carton dans mon antre.

Ça va, j’ai le droit de rêver.

15 commentaires:

  1. faudrait faire des films avec vos histoires... :)

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  2. Ok mais on met Edouard Norton dans le rôle de monsieur Patate Frite et moi dans la rôle de ... heu... moi!

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  3. La vache, il a réussi avant le temps normal de montage ! et ca tient debout !! et ils ont dupliqué ce modèle masculin bricoleur qqpart? tu en trouves au Confo ?

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  4. Haha. Moi je les monte moi même les meuble, comme ça, ça évite les engueulades.

    Mais je te rassure, la transformation de M. Patate-Frites en fée du logis ne durera que le temps pour lui de te montrer sa reconnaissance de l'avoir recueilli, et de se sentir chez lui. Dès qu'il se sera habitué à son nouvel environnement, tu le retrouvera ton homme.

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  5. Un mal, des maux, tu perds en jeux de mots ce que tu gagnes en jeux de mâles !

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  6. Maîtresse Gamelle1 septembre 2011 à 01:24

    Je trouve que Monsieur Patate commence à friser la concurrence déloyale. Cela dit sans jalousie aucune bien sûr, car ça n'est pas mon genre...

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  7. Haha, pas mal. Bon, en matière de montage de meuble, j'ai connu un champion, bricoleur, débrouillard, scout, et en plus carrément diplomate. Le seul à qui j'aurais osé lancer un "ça va pas marcher ton truc" si ça avait été le fond de ma pensée.
    Mais il n'y a pas que le montage de meuble qui peut tourner au pugilat, je me souviens de mon homme testant son nouveau téléphone avec GPS google et de moi incapable de l'utiliser : "mais pourquoi tu lis pas les panneaux plutôt, c'est fléché !" Oui, parfois, les nouvelles technologies ça rend con.

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  8. KIWINI : j'attends de voir le moment ou il posera ses affaires dessus. Je reste sceptique.

    LILOU : Moi aussi je monte les meubles moi même d'habitude mais il a dit " je m'en occupe" alors tu penses bien qu'entre bouquiner et me faire chier a déchiffrer le plan...

    ERIC : clap clap clap. Pas mieux.

    MAITRESSE GAMELLE : On démonte tout ce soir et tu le remontes en 15 minutes. t'es cap?

    AGNES : L'installation d'internet aussi, je pourrais me séparer de moi même tellement ca m'agace.

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  9. Est-ce qu'a tout hasard tu louerais Monsieur Patate-Frite? Non parce que je suis justement en train d'emmenager et j'aurai deux trois meubles a monter... Réflechis-y, ca pourrait etre un juteux business..Regarde: http://www.lesjules.com/

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  10. Et par hasard, est-ce qu'il baisse la lunette des WC? Pour le ménage comme la cuisine, le truc le plus probable, ce que même si il le fait, ce que ça ne te convienne pas... genre, pourquoi bouger le canapé pour aspirer, on n'y va pas sous le canapé... Reste que ça va nous apporter plein de petites histoires sympa à lire tout ça :-)

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  11. +1 pour piklo, j'attends le post où il fera les trucs pas aussi bien que toi. Et il pourra copier mon "J'habite chez ma femme" sur son blog secret :p

    En tout cas bon courage pour les cartons :/

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  12. J'ose pas imaginer comment tu dois être. C'est moi qui squatte l'apart' de mon "colocatire-de-lit", et même en sachant que ce n'est pas chez moi à la base, dès que je range un truc, s'il ne le remet pas à sa place ou le met de travers je deviens folle. Lui, il s'en fout que je m'étale et que j'investisse son antre, ça lui fait même plaisir. Ne sommes-nous donc que d'aigres mégères ?

    Pour les meubles à monter j'ai toujours réussi à esquiver, ou à juste faire la "porteuse/donneuse de vis/planches" (en gros faire semblant de servir à quelque chose). Le problème c'est qu'il va bien falloir qu'un jour je me débrouille toute seule et là, je serai bonne pour me faire interner.

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  13. PIKLO : figure toi qu'en matière de poussière je suis une grosse chanceuse, il renverse systématiquement son cendriers et se tape donc l'aspirateur dans toute la barzque une fois par semaine environ. Puisqu'il y est hein...

    GENTIL SALAUD : il sait que la tyrannie l'attend mais sa mère, bénie soit elle, est pire que moi.

    SVEN H : Nous SOMMES des mégères et c'est une bonne chose. Et mention spéciale pour ta technique de "tenage de planches" qui est tout a fait bonne. Le mieux est de rester accroupi a fixer les vis qui tournent, tu as l'air encore plus impliquée.

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  14. hahahaha ma moitié de corps, j'aime! Je sens que ça va douiller en copyright...

    Par contre, vraiment je compatis: don't invade my Billy comme on dit chez nous. On en a 3, et j'en ai 2 et demie pour moi. Si il dépasse de SA zone, je l'étripe. Avec amour, bien sur.

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  15. J irais jusqu'à dire qu’étriper EST une preuve d'amour.

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