vendredi 26 août 2011

Dealers de Feuilles.


[ Aujourd'hui un bleu arrive dans l'équipe Ocytocinienne, il vient en renfort de Gamelle-la-Débordée qui a un vrai métier et pas toujours le temps de corriger mes conneries et de Pamela-l'intérimaire.
J'ai l'honneur d'introduire (huhu) LE CORRECTEUR. 
Pour les remarques désobligeantes sur les ratés orthographiques, adressez-vous directement à lui. Pour le love et les poèmes en alexandrins, ca reste moi l'interlocutrice]


Dedans mon travail d’imposteur, j’arrive par un savant mélange d’antipathie, de mauvaise foi et de remarques acides à ne pas avoir trop de contacts avec mes codétenus collègues.
Quelques années de travail acharné dans le sens de la haine ont fait de moi une imposteuse à éviter pour la plupart des gens que je n’aime pas.
Aujourd’hui que le vide est fait et que la rumeur comme quoi Ocytocine est une mégère est bien installée, je coule des jours heureux à remplir mon blog rose-facheune (le rose c’est le nouveau noir, j’ai décrété) dans une paix assez totale.

Il y a malgré tout une race d’intervenants dans ma vie professionnelle que je n’ai pas réussi à éliminer : mes fournisseurs.
Imprimeurs, papetiers, afficheurs, tous les dealeurs de feuilles Offset me harcèlent sans que je ne puisse rien y faire. Me foutre la paix serait parfaitement contraire à leur rôle.
En effet, l’essence même de leur métier consiste à me lécher consciencieusement les fesses pour attraper au vol quelques bons de commande comme un chien attraperait un morceau de nourriture tombé de la table : au vol et sans regarder ce que c’est.

Tu dois te dire : cette mégère doit faire de leur vie un enfer.
FAUX. Je suis un p‘tit cœur et crois-le ou non, j’ai une sacrée équipe de biture pour les folles virées que je fais partout en France. Pourtant les commerciaux à la base, c’est pas ma tasse de thé, c’est clair.

C’est une tripotée de cinquantenaires attifés d’un costard Armani bleu foncé l’hiver /gris clair l’été, d’une coupe digne de La Redoute et du pack signes-extérieurs-de- richesse-qui-prouvent-l’opulence-de-mon-entreprise :
- téléphone intelligent dernier cri qui émet une sonnerie « téléphone vintage »
+ montre Rolex de 3 kilos 400 grammes flamboyante
+ stylo Mont-Blanc tellement large (donc cher) qu’il est pratiquement impossible d’écrire avec
+ carte bleue pas bleue mais « Or » (voire American Express pour les plus abjects).

Ils sont minces malgré les repas d’affaire, un mystère à la sauce Dukan, ils ne mangent pas le reste du temps ? Ils se font vomir comme les mannequins haute couture après chaque rendez-vous ? Dans les deux cas, tout est affaire d’apparence, ça mérite bien deux doigts dans la gorge.

Ils sont affublés d’un sourire ultra bright, de dents d’un blanc inhumain, t’as l’impression de parler à une pub américaine pour un nouveau dentifrice au fluor et à la menthe fraîche.
J’en soupçonne même un de se récurer les chicots à la soude sept fois par jour. En tout cas, pas besoin de lumière la nuit, il suffit qu’il sourie et tout devient lumineux… Y’a pas beaucoup d’hommes dont je peux dire ça.

Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir se dire pendant le déjeuner qu’ils vont me payer ? Voilà ce qu’on se dit eux et moi la première fois qu’on se croise.
Peu d’entre eux réussissent à cacher leur étonnement lorsqu’ils voient surgir la gamine piercée à l’œil charbonneux en robe et new rock à qui ils vont avoir à faire. Ils ne sont pas habitués à croiser des gens si jeunes.
- Oh la stagiaire là… Je cherche Madame Ocytocine, tu peux aller me la chercher s’il te plaît.
- C’est moi.
- Quoi c’est toi ?
- Ocytocine. Et c’est mademoiselle.
Gloussements pour certains, cris étouffés, plates excuses ou remarques déplacées pour d’autres. Rares sont ceux qui ne notent pas ma jeunesse dans les premières phrases échangées.

« Eh bien je vais être en charmante compagnie » lance celui que je rencontre aujourd’hui, charmeur. Détrompe-toi mon grand, ai-je envie de lui susurrer à l’oreille, j’ai neuf ans de métier et une trempe légendaire. Je ne respecte rien de tes codes, de tes louanges obséquieuses démodées.
Je suis le renouveau, radin et impoli, infidèle, prêt à aller chez ton concurrent pour 100 euros économisés. Je suis ton pire cauchemar et j’ai été embauchée pour ca.

Leur panel de discussions habituelles «gros sous et gros boulot/enfants/boutons de manchette/ vacances à la Baule/technologie » est à jeter, ils le sentent. Pour me séduire il faudra réinventer vingt ans de métier.
Le silence est trop long, il doit trouver quelque chose. Vite. La Rolex dorée, obscène face à mes t-shirt Pimkie à 7.90€, lui indique que les secondes s’égrènent et qu’il n’a pas encore commencé sa parade. Son honneur est en jeu.

Il pense combler avec de maigres connaissances musicales glanées dans la chambre de sa fille adolescente qui me ressemble un peu.
- Alors vous êtes fan de Tokio Hotel ?
- Non.
- Alors de Foo fighters ?
- Non plus.
- Marie-Line Sansom alors ? Il bafouille devant mon regard dubitatif. Comment il s’appelle celui qui montre ses fesses là, avec des lentilles et un corps tout bleu.
- Marilyn Manson ?
- Oui !
Soupir de soulagement, je connais. Il est encore un peu jeune dans sa tête, ce soir il demandera à sa fille un CD pour avoir quelque chose à me raconter la prochaine fois. Un bon commercial sait anticiper la demande du client. Je lui concède que ce n’est pas le pire sans pour autant m’épancher.

Plus détendu mais pas encore satisfait, il change de tactique et attaque dans sa propre jeunesse-à-queue-de-cheval-et-joints-au-persil.
- Alors AC/DC ? Scorpion ? Metalicus…
- Metallica.
- Ouais c’est pareil. C’est bien ça, ça déménage !
Il est au top de ce qu’il peut faire là. Je décide de le sauver par pure ennui bonté d’âme.
- Bon, vous avez des nouveaux papiers à me montrer ?
Et nous sommes partis pour une demi-heure de blabla technique, nous voilà sauvés tous les deux.

Bon là tu te demandes pourquoi je les aime bien alors qu’il y a aucune raison.
Déjà j’adore me faire payer des restos hors de prix avec apéro/vins /digestif. Se faire bourrer le mou d’accord mais en se bourrant aussi la gueule et l’estomac, ça rend les choses plus simples, plus digestes.

Ensuite, je les aime pas tous, y’a une sacrée bande de connards hypocrites dans le lot, faut pas déconner, je suis pas Mère-Theresa.
Mais figure-toi que parmi eux, y’en a des vachement drôles une fois deux trois verres ingurgités.

Quand ils se mettent à balancer des horreurs sur leurs clients, c’est à hurler de rire, fini le sourire policé et bonjour les révélations.
Ça donne quelque chose comme ça :
- Le commercial de chez machin ? Arrêêêêête, il essaye de travailler avec play-boy depuis des années, un vrai obsédé du trou de balle (oui le commercial, quand il se lâche, laisse ressortir sa partie Jean-Claude Convenant). Et quand tu vois sa femme tu te demandes pas pourquoi ouarf ouarf ouarf. Mets cette petite jupette quand tu le verras la prochaine fois, tu pourras négocier 40%. On parie une bouteille de côte-de-Provence, t’façon c’est la boîte qui paye.
- La directrice de l’agence Truc ? Je l’adore c’est une gross… grande cliente. Hihihi. Nan j’l’adore… mais c’est une grosse connasse, fais gaffe à elle, elle te poignardera pendant que tu feras ton lacet.
L’alcool anesthésie les sens et la bouche… de commerciaux ils deviennent com… commer… commères. Tout court.

Autre point fort, bien plus important que celui du rapport humain qui n’est quand même pas ce que j’aime le plus au monde, il y a les soirées de lancement où on se bourre allègrement la gueule à l’œil au champagne devant un film à la Géode ou dans je ne sais quel musée vide, flippant et hyper excitant avec plusieurs grammes dans les veines.

À la fin de ces soirées, il y a les cadeaux… Aaaaaah les cadeaux ! Je suis arrivée trop tard dans le métier pour avoir connu la période faste des bouteilles de Veuve-Cliquot distribuées par louches entières comme la soupe à la Croix-Rouge, je n’ai pas non plus connu les télés envoyées à Noël. C’est la crise ma brave dame.
Mais il arrive quand même qu’on reparte avec des livres d’art, des invitations à des expos, des bons d’achats (FNAC - mes préférés) et en prime une sévère gueule de bois.
En plus le taxi au retour est mis sur les notes de frais… que demande le peuple.

Oui c’est vrai, il y a des jours où être imposteur en agence a du bon.

7 commentaires:

  1. le w-end arrive enfin, merci pour alimenter ma fin de journée. Et faut bien quelques petits bonheurs à être une imposteuse, impostrice... enfin toi.

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  2. c'est un plaisir mon ptit chat, ca a bien occupé la mienne de l'écrire!

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  3. ... de la première majuscule au dernier point, j'aime.

    Et je pense que si être mégère te laisse le temps et l'énergie pour écrire ainsi, alors je suis à fond pour ta mégèrisation.

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  4. Wouahouhh, ça fait envie : d'abord ils te lèchent les fesses, ensuite ils t'offrent un bon resto (ou des p'tites fêtes au champagne), avant de te bourrer le mou (spa moi qui l'ai dit c'est toi)et de t'offrir le taxi pour rentrer chez toi...
    Moi, mon boulot, à côté il est tout, tout, tout pourri. Mmmpppffffff(soupir)

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  5. MINIMOIZ : enfin quelqu'un qui comprend la psychologue des sorcières de contes de fées.
    Allons tabasser blanche neige.

    CLIO : Ouais y a quand même des avantages non négligeables, sinon je serais partie. L'alcool fait faire des choses terribles!

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  6. Y'a-t-il une amicale des commerciaux maltraités ? Je souhaite verser ma petite contribution annuelle ...

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  7. Bon je viens de rentrer de vacances, dans un endroit sans ordinateur (ARRGH!) et je vois que tu ne lésines pas sur tes publications! K doit être vert de rage! huhu!

    Pour la dernière soirée de Noël, mes boss m'ont quand même proposé (tellement ils étaient rond comme des queus de pelles) de prendre un tacos à leurs frais pour rentrer chez moi alors que la soirée se passait en face de chez moi...

    Etre un imposteur ça a du bon ... Huhu!

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