vendredi 19 août 2011

Châtelet-La-Haine.


Le métro parisien est une faune, tu le sais, une jungle peuplée de perruches huppée à Iphone et talons instables, de paresseux endormis sur une barre en fer, de cacatoès R&B et singes à dos argentés à l’œil chassieux venus quérir des femelles à fesses roses. Même si tu ne vis pas à Paris, tu as entendu 1000 anecdotes sur ce moyen de locomotion sauvage. Le métro, c’est ce qui se fait de plus stressant comme mode de déplacement des vertèbres.

Peut-être à égalité avec la voiture avec laquelle tu vas souvent moins vite qu’à pied et que tu as autant de chance de te garer que de gagner aux jeux à gratter.
Traverser Paris en voiture revient à : écharper deux  livreurs de sushis et un coursier Domino Pizza, arracher une patte à un pigeon, emboutir pratiquement deux taxis qui ne connaissent ni leur gauche, ni leur droite, ni la notion de priorité, croiser 58 feux rouges 9 minutes sur 10, rouler sur 15 kilomètres de bouchons et finir dans deux culs de sacs avant de s’engouffrer dans le mauvais sens du periph’. Et voir quelques monuments aussi.

Malgré ça, certains préfèrent largement se faire un Koh-Lanta automobile que de descendre dans les entrailles puantes de la ville pour un voyage merveilleux au pays des odeurs corporelles et des grincements de dents de rails.
Les parisiens sont stressés pour cette raison. Parce que le métro est ce qui se fait de pire pour les nerfs. Il est le moyen de transport le plus anxiogène de la capitale, celui où tous les voyageurs sont invités à se faire descendre (oublie immédiatement ce jeu de mots navrant, je t’en conjure).

Il arrive devant le bus en matière de stress, le bus est trop lent pour représenter une source notable d’ulcère. Tu n’y trouveras jamais que des vieux et des armées entières de poussettes, dont le métro, cette jungle urbaine impitoyable, n’a pas voulu. En effet, les sous-sols sont, pour les handicapés de la gambette (ou de la roulette pour les heureux possesseurs d’un bébé) aussi galère à envisager qu’une étape de montagne pour un cycliste en pleine hypoglycémie.
Le bus est un savant mélange de vieux qui tombent et d’enfants qui crient. Prendre le bus, c’est  un peu comme un week-end dans sa famille : on se retrouve dans un espace confiné avec une sur-représentation de générations frontalières que l’on aime moyennement côtoyer mais à qui il faut laisser la place pour ne pas paraître inhumain. Et ça avance doucement… très doucement, avec plein d’arrêts pipis et de détours inutiles.

Le bus c’est la version light et lente du métro. On y retrouve cependant un rappel du grand principe du «  Marche ou Crève » qui rythme la capitale et qui nous rappelle que même ici où tout va moins vite, on reste à Paris et on reste stressé et intolérant: on peut voir placardé en rose layette tout le long des vitres une affiche qui rappelle que : « On a beau adorer les bébés, avec les poussettes, il ne faut pas pousser ».
Traduction : OK dans le bus on tolère ton tank de pondeuse mais faudrait voir à pas déconner, si y’a une autre As du Berceau  qui monte avant toi, t’attends un quart d’heure le prochain bus. Ouais il pleut mais ça va, t’as un pare-brise à bébé.
Bref le bus, c’est pas la panacée mais ça reste quand même mieux que le métro.

Parce que le métro, même pour une boule de piquants comme moi, c’est vraiment pas « La Croisière s’amuse ».
Oh je pourrais vous raconter comme un prédicateur est venu me mettre sa bible sous le nez en hurlant que j’étais la fille de Caïn et qu’en enfer j’aurais à répondre des actes de mon père.
Je ne te dirais pas qu’il a arraché sa chemise pour me montrer la Vierge Marie gravée à même son torse (elle ressemblait plus à une pute de bord de Marne qu’à une mère de Jésus MAIS BON, je voulais pas le vexer, un si gros tatouage…ça valait pas le coup de casser son trip).

Je pourrais aussi te décrire comment j’ai vu une clocharde se faire défoncer la tronche devant mes yeux avant de me faire courser dans les couloirs et balancer une bouteille vide à la gueule par son petit copain/agresseur sous prétexte que j’étais en jupe.
Jupe = lancé de bouteille… heureusement que j’avais pas un mini-short sinon c’était l’excision directe…
Je pourrais te dire que j’ai pas du tout rigolé et que je me suis biturée la tête le soir même (chez la maman de maîtresse Gamelle évidement) pour oublier ça (Hueurk, j’en ai encore mal au cœur).

Je pourrais aussi te dire que je vois régulièrement  le samedi soir des jeunes, ronds comme des queues de pelles, rater la fin du quai et se vautrer sur les voies. Jusque-là ils ont toujours réussi à remonter, je me frotte les mains à l’idée qu’il y en ait un moins chanceux qui tombe au moment de l’arrivée d’un train.
Bonheur et carpaccio de crétin.

Mais te raconter comment mes co-voyageurs sont des imbéciles, que l’enfer c’est les autres comme dirait l’autre têtard à lunettes et que moi je suis au-dessus de la masse, c’est pas possible.
Au pays où terminent les zombies de « 28 jours plus tard », je ne suis pas en reste quand il s’agit d’éventrer mes copains de voyages et de manger leurs organes à la sauce SNCF.

Car le métro rend inhumain, et je suis la première à soupirer quand un bouché-des-conduits-auditifs me balance sa musique à donf’ et à faire pareil avec un morceau de Mahyem (ou tout autre slow norvégien) pour que son moment musical soit tout aussi gâché que le mien.

Je susurre entre mes dents «  ptain mais c’est pas possible, ‘vont avancer ceux-là ! » quand je me retrouve coincé derrière un couple de touristes qui flânent en se bécotant. C’est avec grand plaisir que je les envoie dans le mauvais sens quand ils me demandent leur chemin.

Je dépasse les vieux qui ont osé le métro, les aveugles, les traînards et tous ceux qui flânent, qui pietinent,  qui ne foncent pas tête baissée en écumant d’impatience à l’idée d’arriver chez eux.

Je peste contre les voyageurs chargés comme des mules et je tape dans leur valise. Ceux qui mettent leur barda sur un siège m’énervent et quand leurs valises traînent en plein milieu du wagon, ça m’agace tout autant.

Je snobe les types qui me parlent et change de wagon à la station suivante sans même leur jeter un regard.
Il y a déjà eu des moments de solitude :
- Mademoiselle… Mademoiselle. MA-DEUH-MOIZ-ELLE !!!
- QUOI ?!  Lâche-moi connard.
- Vous… avez fait tomber votre écharpe…
- Ah heu merci…

Je m’assois  aux places prioritaires et je ronchonne en me levant quand une femme enceinte jusqu’à l’explosion débarque. Heureusement que ma mère m’a (suffisamment) bien élevée sinon je ferais comme les trois autres du bloc, je regarderais ailleurs en sifflotant ou j’enfoncerais plus profond ma tête dans mon livre et je laisserais la grosse dame debout avec son regret éternel d’avoir un peu trop picolé 8 mois et demi plus tôt.

Je m’agace d’entendre « L’amant de Saint-Jean » ou « La foule » pour la deuxième fois de la journée et j’ignore le gobelet crasseux que me tend le musicien à la fin de son pitoyable spectacle.
Quand c’est une trompette, je m’imagine avec bonheur lui arracher de la bouche, il lâcherait un grand «  pfuittttt ! » et je crierais « Mais ta gueule putain, tu crois qu’on en entend pas assez des conneries au boulot ? » et je lui taperais dessus avec l’accordéon de son pote ; l’instrument laisserait échapper quelques notes dissonantes au rythme de mes coups.
Et je souris en les regardant.
Ils pensent que j’ai apprécié alors l’un d’eux me tend le gobelet, plein d’espoir, une seconde fois et je regarde dedans en faisant une moue qui dit « pas terrible la recette du jour » et reprend mon bouquin.

Je ne fais pas partie des gens qui se ruent dans un wagon sans laisser les autres sortir, qui poussent et se jettent sur les places assises, je ne lance pas non plus un « mais laissez les gens descendre ! » offusqué. ( « Les gens », générique suffisamment large pour paraître altruiste et pas trop agressif signifiant en réalité «  MOI » ; je doute que la personne en question s’occupe de la fluidité du trajet de son voisin.)
Mais je suis de ceux qui mettent les épaules en avant pour que les monteurs fous s’y cognent et se vautrent avec autant de force qu’ils ont pris d’élan.
Je ricane et les enjambe en descendant.

Je ne cours pas pour choper la rame alors qu’il y en a une deux minutes après mais j’aime bien voir les gens la rater et regarder la porte se fermer sur leur nez. J’ai envie de murmurer «  Loupé ! » à leur face rouge d’avoir couru pour rien.

Je suis une connasse ? Oui mais tu ferais pareil à ma place.

12 commentaires:

  1. Ca me rappelle de "bons" souvenirs dis donc... (J'avoue, c'est le seul truc qui ne me manque pas à Paris)

    RépondreSupprimer
  2. Oh, oui, j'ai fait pareil quand j'étais à ta place, il y a bien longtemps dans ma jeunesse marseillaise (le métro là bas, c'est la même galère, les cigales en plus). Le plus drôle, voir mon père, 1m85 au garrot, 130kg et ancien rugbyman dans sa jeunesse, quand il sortait du wagon face au gens qui se précipitent. Il y en avait qui volaient quand même. Il est très pratique mon papa dans les foules.

    Par contre, si un jor tu viens à Hambourg, prépare toi psychologiquement, c'est tout l'inverse. C'est perturbant pour les Français qui arrivent ici.

    RépondreSupprimer
  3. HA HA! Moi, qui pour toutes ses raisons ne prends presque plus le métro (en grande partie parce que je suis un putain d'enculé de chanceux qui travaille en face de chez moi..), je suis passé au vélo pour garder la forme et l'usage de mes jambes! Fais comme tonton Pedro! Utilise un vélo ou quand t(es trop bourré un taxi! huhu! et arrête de donner tes sous à la RATP!

    RépondreSupprimer
  4. Haha très bon tout ça. Je retiens le "Prendre le bus, c’est un peu comme [...]" et je me le note dans un coin :D

    RépondreSupprimer
  5. C'est pour ça que j'ai décidé d'aller habiter à Coublevie et pas dans le quartier face à la Villeneuve de Grenoble.

    RépondreSupprimer
  6. Impec, j'te tape le sujet, coupine ;)

    K

    RépondreSupprimer
  7. Un jour, on était serrés comme des sardines et tout d'un coup on a entendu une voix de femme qui disait : "C'est à qui, cette petite main baladeuse ?" Tout le monde s'est écarté pour voir à qui appartenait la main qu'elle tenait en l'air, au-dessus de sa tête. Je peux te dire que le propriétaire de la main baladeuse n'en menait pas large. Et moi, ça m'a réconciliée en partie avec le métro.

    RépondreSupprimer
  8. Si seulement j'avais le metro ici... Ca m'eviterait de mettre 1h pour faire 5 km dans un bus fabrique en ex-URSS en 1937 sans amortisseurs, a ecouter la longue agonie du moteur qui ne meurs jamais.

    Ca m'eviterait de prendre un moto-taxi qui comprend que dalle et t'emmenes expres de l'autre cote en faisant semblant de pas avoir compris mais du coup tu payes deux fois plus (et mon cul? batard!).

    Et encore, je suis un mec. Quand t'es une fille, tu peux juste pas te deplacer.

    Je suis encore tout souriant en imaginant le bruit de l'accordeon-arme, et je me demande si le debile qui avait insulte PS et qui s'est fait massacrer est mort cette nuit la.

    RépondreSupprimer
  9. J'aime beaucoup beaucoup beaucoup :-)

    Et j'aime bien les connasses de ce genre moi...

    RépondreSupprimer
  10. Alors c'est vous, un des gens que je bouscule joyeusement en sortant du métro ou du RER quitte à ce que lesdits intrus, en rush aveugle, fassent un 180° sur place, sans trop comprendre ce que cette masse de 2m leur voulait. Ayant la priorité légale, je m'en donne à cœur joie. Et les rares personnes qui se plaignent ont le droit à une phrase dégoulinante de mépris et une humiliation publique. Défouloir, quoi. Oui, même sur la p'tite vieille de 60 ans.
    Deux facettes d'un même combat de sous les rues.

    RépondreSupprimer
  11. Cet article est magique ! Arret de métro Saint Lazare un matin à 8h il n'y a que ca pour comprendre que le métro parisien c'est la jungle et que t'as plutot intéret à etre en haut de la chaine alimentaire !

    RépondreSupprimer
  12. Saint lazare c'est la guerre, ca arrive de partout, je sais pas si il existe une station plus mal foutue (peut etre gare du nord?) en tout cas c est jouissif quand tu as envie de chercher la bagarre (ou un contact physique). suffit de s'arrêter net et d'attendre qu on te rentre de dedans

    RépondreSupprimer