mardi 7 février 2012

Sincérieusement.

[Attention : Article à haute teneur en maladresse, psychologie de comptoir et pasdrolitude]


Je sais qu’en ce moment je te manque. Si si, je t’assure.
T’es pas en train d’écouter Hélène Segara en pyjama devant le poster de mon oreille que tu lèches en disant « Je veux être réincarné en coton-tige », t’en es pas tout à fait là.
C’est plutôt comme si t’avais oublié un truc : tes clefs, changer la caisse du chat, ta dignité dans les vestiaires d’un Club Med Gym. Ça te manque pas vraiment. Pas encore. Mais ça viendra.

J’aimerais y remédier. J’aimerais te parler de la croûte de fromage grisouille qui nous sert de neige et du froid qui te met une claque sur le cul à chaque fois que tu sors de chez toi, mais j’en ai rien à foutre.

J’aimerais te parler de mon anniversaire samedi, du génocide d’animaux en tous genres qui a été fait, encadrés, empaillés, naturalisés, figés et emballés dans du papier cadeau pour mon plus grand bonheur, de la paëlla divine faite par ma mère que je pourrais manger même sur la tête de Mallaury Nataf et de cette soirée géniale.


Mais j’y arrive pas, je suis toute bloquée. Parce que figure-toi que pour faire la « rigolade aux pépitos », faut être d’humeur. Et je ne le suis pas.

Au départ, l’idée, ce n’était certainement pas de faire du rouleau de PQ qui me sert de blog un journal intime. J’ai envie de te dire « raté », parce que tu connais tout de mon appendice pourri et de mon existence commune avec un chauve autiste.
Ceci dit, je n’avais certainement pas envie d’y parler des coups durs.

Le problème c’est que qui dit « tenter d’être drôle » dit « être observateur et sensible » dit « être dans l’incapacité notoire à ne pas se prendre le seau de merde en pleine tronche car toujours en première loge ».

Et dans la famille on a ce défaut : on est des cœurs d’artichaut, dans des corps de clowns cruels. C’est chiant d’avoir un coussin péteur intégré autant que le cynisme chevillé au corps, je t’assure.
Pour rester de glace, on s’emploie chaque jour à baigner le légume qui nous sert d’organe dans la vinaigrette. On souffre plus souvent qu’à notre tour alors qu’on n’aime pas tellement les épanchements, on doit trouver un moyen de survie.

Je sais pas si je suis bien clair mais disons qu’on ressemble à ça. Oui, à ça.




Une famille normalement constituée choisit d’exprimer ce trop-plein de sensations par les mots, les larmes, la morve. Nous on trouve ça trop simple, alors en plus de milliers de problèmes psychosomatiques, on se caparaçonne en n’aimant pas grand monde ET en faisant des blagues.
Et SURTOUT, on dit JAMAIS qu’on aime, des fois que y’aurait une pelleteuse qui nous tombe dessus ou un phacochère qui nous écrase si on le dit.
Tu dis rien, tu fais rien, tu pleures pas, tu RIGOLES, triple queue de nouille.
Même s’il faut rire quand on se trompe de nom à l’enterrement, même s’il faut parler de viol, de meurtre, de handicap, d’inceste, surtout s’il faut parler d’inceste. Il faut rire de tout entre nous.

Par contre tu chiales dans le train, quand t’es bien tout seul mais que t’as quand même un public. Affiche assurée.


Du coup, quand il arrive une merde à un des trois pelés qui a réussi à se faire un trou de souris dans notre cœur, et benh on est un peu comme des cons et notre mécanisme s’en prend un sacré coup derrière les oreilles.
Parce que oui, ça arrive, même quand t’as travaillé à avoir un sac de glaçons à la place du cœur, d’être désarçonné par quelqu’un, de te faire faire une prise de catch par trop de gentillesse et de tomber dans un état canin d’admiration, de langue pendante et gluante et de fidélité crasse.
C’est pas souvent mais c’est d’autant plus précieux.


Il y a cette fille dont je t’ai parlé : la Jeune Maman.
Je partage avec elle mes vertes années, mon adolescence boutonneuse, mon début d’âge adulte chaotique, l’amour de groupes tels que Syd Matters et Batlik et une aversion pour les contacts physiques (hors grossesse où j’ai passé 8 mois et des brouettes les mains collées à son ventre que je palpais comme de la pâte à pain pour sentir le môme qui refusait de bouger à partir du moment où j’étais dans la pièce).

Je partage avec elle son mec (tripotage de fesses inclus) et son fils dont je suis la malheureuse marraine (nettoyage de fesses non compris), j’ai la marque de mon corps dans le matelas de leur chambre d’amis que je squatte autant que le Séphora en face de mon boulot.
Tu penses qu’un jour je lui aurais dit à quel point tout ça compte pour moi ? Mon cul. Je crois qu’elle n’en n’a absolument pas idée.

Le problème c’est ça, c’est fondamental, j’aime cette fille comme une sœur depuis 22 ans et je me garde bien de le lui dire. Pas de chance pour elle, elle a choisi un type pas plus doué que moi pour les grandes déclarations.
Lui et moi on est faits du même bois, nous sommes de grands constipés sentimentaux qui cachons tout sous notre nez rouge. Lui, il triche encore plus, il a en plus cette assurance et cette sérénité apparentes que moi je n’ai pas et qui trompent encore plus leur monde.
Alors quand il décide de raconter, eh bien ça met du baume sur mes propres plaies… Et ça se passe de mots.

Je le laisse raconter son malheur, qui est aussi un peu le mien, parce que c’est plus pudique et plus juste.
Et puis je reviens.