mercredi 10 août 2011

Vol au-dessus d’un nid d’amour.

Quand j’ai rencontré Monsieur Patate Frite, il était très jeune et sexy, un vrai petit bonbon, un poussin à peine sorti de l’œuf. Il vivait chez sa maman dans une chambrette de 5m2 qui, a priori, n’était que déluge et bordel organisé, il avait fraîchement terminé ses études et bossait comme esclave chinois free lance pour des clients qui le payaient quand ça leur chantait… et ça ne leur chantait jamais.
Ca vendrait du rêve à n’importe quelle working girl qui a de l’acide dans les veines à la place du sang, j’admets. Beaucoup ont cru que je n’allais faire qu’une bouchée de ce petit jeunot à peine démoulé de l’école de graphisme : une vraie chips dans la gueule d’un fauve, un hareng sur la table d’un suédois.

FAUX. Je l’ai bichonné.  Je sais repérer aussi bien un génie en devenir qu’un paquet de chocolat dans une cuisine que je ne connais pas. Je suis un limier, un cochon truffier, un méchant cochon d’accord mais un truffier quand même.
Je lui ai donc signé un contrat à durée indéterminée assez rapidement, sans comprendre très bien les engagements que cela allait engendrer cependant.


Sa mère …
(que la Sainte Femme soit bénie d’entre toutes les femmes pour avoir engendré le seul homme capable de supporter mes rangements de bibliothèque intempestifs et mes crises de « gencives qui frisent » quand je mange trop de sucre ou que je bois trop d’alcool)
…  sa mère donc, effrayée de ne pouvoir caser fissa son marmot à la capillarité manquante, avait rangé ladite chambre avant de me voir débarquer pour la première visite que j’ai faite à ma future belle-famille. Il ne fallait pas qu’il passe pour un gros degueu, son honneur de mère et sa future tranquillité d’esprit étaient en jeu.

Elle a cherché à me tromper sur la marchandise et je la comprends, elle avait enfin l’occasion de caser son rejeton le plus étrange, celui qui fait de la musique expérimentale, celui qui a des relations plutôt troubles avec son ordinateur portable, celui qui collectionne les squelettes d’animaux et mange de la charcuterie en quantité industrielle.
Elle n’allait pas me laisser entendre que, non content d’être bizarre, il était aussi ultra-bordélique. D’où le rangement de chambre, le lit au carré et les livres en ordre alphabétique.

SAUF que sa progéniture, mon Monsieur Patate Frite,  s’était fort vantée dans le RER qui m’emmenait vers Belle-Maman, de vivre dans une tranchée que n’aurait pas reniée le plus crade des poilus de 14-18. Le jeune naïf qu’il était alors ! Il ne m’avait pas encore vue dans mes crises de ménages de printemps et mes rangements légèrement psychopathes de la salle de bain. Il ne savait pas…

Quand je suis arrivé et que j’ai vu le linge plié avec le petit sachet de lavande dessus je me suis moquée. Mais alors moquée. « - Ouuuuuh le bébéééé, sa maman lui range sa chaaaaaambre, ouarf ouarf, ouarf. »
Sa mère comprit alors que je n’ignorais rien des défauts ménagers de son petit et que malgré ça je le regardais avec des yeux morts d’amour, et décida donc de changer de tactique et d’en remettre une couche pour donner une leçon à son fils.
- Et attend t’as rien vu, j’ai même rangé tes feutres d’école par couleur … oh et puis, quand même, tu aurais pu passer au moins une fois l’aspirateur derrière ton lit superposé, j’ai retrouvé des dessins de quand tu étais ados. ouarf ouarf ouarf,  a dit belle maman en sortant de sous une chemise cartonnée des gribouillages digne d’Hannibal Lecter qui aurait fait un pendu avec Marilyn Manson. Et les dix mètres de fil barbelés qui traînent sous le bureau, tu en fais quoi ?!, c’est pas comme ça qu’on va te marier hein !

Monsieur Patate a bu son humiliation sous l’œil amusé de sa mère et mon rire sardonique.
Peu après - lien de cause à effet y a-t‘il ?- Monsieur Patate Frite s’est dégoté un appartement charmant dans le 14e arrondissement relié au mien par un bus certes LENT, Trèèèèès LENT mais bien pratique quand même. Il allait nous montrer de quel bois il se chauffait.
C’était un  logis pas cher et spacieux dans une rue piétonne alors qu’il n’était qu’en CDD…. C’est trop beau pour être vrai ?
BIEN SÛR. L’appartement en question était une sous-location « clé en main » où il n’avait plus qu’à apporter son baluchon de slips et son mac book.
Mais ma foi, le garçon était candide et tellement content de connaître les joies de l’indépendance qu’il n’a pas pris garde à la précarité de la situation.

Ainsi a commencé la vie de « chémoichétoi ? » digne d’une enfance d’un rejeton de parents divorcés, toujours avec une culotte et ma trousse à maquillage dans mon sac au cas où. Combien de fois m’a-t-on demandé si je partais en week-end…
Et ça, c’est quand la décision était prise d’avance. La plupart du temps, nos soirées se transforment en mission commando « bon on passe chez toi nourrir le chat puis on va chez moi récupérer ma guitare puis on retourne chez toi pour dormir ? » soit 4 heures de transport dans la soirée pour… rien.

Je vais pas me plaindre, ça m’a donné une bonne excuse pour acheter des tonnes de maquillage et autres produits de beauté en double avec une excuse toute trouvée «  oui mais c’est pour chez Monsieur patate Frite ».
Et puis en cas de trop de boulot pour lui, d’envie de finir un bouquin ou de faire une soirée pouffes avec les copines, chacun pouvait rejoindre ses pénates.
La joie quoi…

Et puis est arrivé le jour où a été sonné le glas de notre double vie immobilière.
Pendant que nous nous ébattions joyeusement au pays des bagels au cream cheese et des fusillades de bords de plage, Monsieur Patate Frite a reçu un mail un peu embêté de la locataire officielle qui l’informait que, sans vouloir le commander, ça serait vachement bien qu’il dégage de l’appartement d’ici septembre, s’il te plaît. Bonnes vacances. Bisous.

Mon chauve a eu la réaction qu’on peut attendre d’une personne saine qui sait exprimer ses sentiments et anticiper l’avenir « : « J’ai pas envie d’en parler maintenant, on est en vacances » a-t-il grogné.
Et bien nous voilà bien avancé.

J’ai attendu bien patiemment que l’homme évoque une solution, j’ai même gentiment dit que je ne le laisserais pas dormir sous les ponts, que je l’aiderais à chercher et à se rendre compte de l’implication (pécuniaire surtout) que représentait le fait d’avoir un vrai appart avec  des vraies quittances et malheureusement aussi un vrai loyer, mais qu’il serait gentil de se bouger le trognon.

Ou alors… (attention, on marche sur des œufs premier prix qui éclatent au moindre éternuement) que je lui ferais de la place chez moi.
J’ai dit ça…
J’ai DIT CA moi ?!!!!!

Et là, mes copines qui m’ont toujours crue incapable d’engagement véritable avec quelqu’un pour cause de méchanceté crasse et incapacité à ne pas déverser ma bile à la moindre embrouille, ont sabré le champagne et ont décidé de se foutre de ma gueule jusqu’à la dernière minute de ma vie.
Mlle Ocytocine a proposé à un garçon de partager sa tanière. wouath ze fuque ? Et ça sera quoi après le mariage et la robe BLANCHE ? ouarf ouarf ouarf se sont-elles gaussées.

Qu’elles sachent, au passage, ces morues que la première qui me parle de féconder se prendra une aiguille à tricoter dans le fondement en mémoire de nos amies les faiseuses d’anges.
Bref, c’était un aparté amical à l’usage de mes plus proches truies de copines.

Monsieur Patate Frite, lui n’a pas eu l’air tout à fait d’avis de lever sa coupette sur ma proposition et pas que parce qu’il n’aime pas le champagne.
Il m’a regardé l’œil torve et a embrayé sur autre chose. Sa technique ultime et imparable dès qu’on parle sérieusement.
Un exemple : « - mes rapports avec mon père ? Oh regarde, Lutens sort un nouveau parfum ? Tu veux qu’on aille à Sephora pour que tu l’essaies et après on va manger au tibétain ? »
Ou encore : «  - S’installer ensemble ? Justement je discutais pas du tout de ça avec mon collègue ce matin, parce qu’en fait, on travaille sur une affiche de film et on a détouré des chinois toute la matinée alors tu vois on se disait qu…. Quoi ça a rien à voir ? »

J’ai donc abandonné la première manche et j’ai laissé les semaines et les mois passer sans en reparler tout en me demandant comment ça allait évoluer cette situation.
J’avais bien peu envie que la Patate Frite débarque l’air de rien le soir de la fin de son pseudo-bail  en me disant : Hum je sais pas ou dormir cette nuit… je peux entrer ? Ou laisse au moins dormir le mac book ici, je veux pas qu’il reste dans le froid il va avoir peur.

 Jusqu’au jour ou ma mère, SA belle-mère (que la Sainte Femme soit bénie d’entre toutes les femmes pour avoir engendré la seule femme capable de supporter son réveil hardcore et ses non-concepts artistiques et les films qu’il récite par cœur du début à la fin, bruitages compris) ma mère donc , lui a demandé où il en était de ses recherches d’appart.
Silence.
Bouillasse incompréhensible de mots terminant par « ché pastrop c’est compliqué » machonnés par mister French Fries.
ReSilence.
Regard de ma mère interrogatif vers moi.
Levage d’yeux au ciel de ma part équivalent à un «  ouais on n’est pas sorti de sous les ponts, moi je te le dis ! »

Je crois qu’à partir de là, il a fouillé dans le bordel qui lui sert de tête, où il y a autant de pensées empilées que de magazines de graphisme autour de son lit, et il y a déniché la réponse à la question posée par  ma mère dix heures plus tôt (oui pour un homme, comptez une demi-journée à  huit ans de réflexion pour pondre une décision.)( Misandrie quand tu nous tiens).

Le soir, il a serré ses petits poings, s’est armé de tout son courage, et de sa mauvaise foi aussi un peu, et il m’a expliqué que quand même ça serait vachement mieux pour moi s’il me soulageait de la moitié du loyer avec son très gros salaire de CDI de directeur artistique alors, qu’il allait me faire l’honneur de ne pas chercher d’appartement.
J’l’ai remercié, c’est vrai que sinon c’est moi qui me retrouvais à la rue dans un mois hein. Et puis c’est pas comme si je n’avais pas payé mon loyer pendant 4 ans toute seule.

Et puis j’ai arrêté de cracher mon venin et je me suis mentalement tapé sur les doigts  (ça fait moins mal) en songeant qu’au fond c’était quand même la décision la plus sage et qu’il avait eu les couilles de la prendre et que certes ses explications étaient nulles mais qu’au fond j’étais d accord avec lui.
Alors ferme ta gueule Ocytocine et réjouis-toi d’avoir la moitié du loyer en moins à payer par mois.
Imagine les week-ends , les fringues, les restos… la grande vie !
« Oh mon lapin je suis ravie ! » ai-je gloussé. Il m’a regardé avec un œil interrogatif et a vérifié dans mon verre que c était bien du Perrier.

Bref tout ça pour dire que je me récupère son baluchon de slip et son mac book dans un mois et demi, son bordel, ses non-concepts musicaux, ses dvd de films d’auteurs et sa collection d’animaux morts.

PS : Ma patate, je sais que tu me lis, sois gentil, ne tue pas le chat parce que je me suis un peu moquée, tue le juste parce qu’il est chiant. Je te kiffe.

4 commentaires:

  1. Hinhinhin!!!!
    Viedecouple.

    Moi qui croyait que ce blog ne pourrait pas être plus drôle:)

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  2. Ouais ouais rhoooooo moque toi vilain! Regarde moi sombrer et écrase moi la tête!

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  3. J'en croustille d'avance!
    Quand je vois ma situation, j'aurais bien du mal à me moquer. Je vais jsute attendre le post du mariage pour hurler de rire et de honte.

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  4. si ca se trouve je vais me transformer en femme au foyer idéal... je connais déjà le code de carte bleu de monsieur Patate Frite et sa taille de chaussettes.
    Il ne reste plus qu a apprendre a faire le ménage et à avoir envie de faire des mômes.

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