vendredi 13 mai 2011

Le quotidien prépubère du pubeux.

Quand j’étais pré-ado et ado j’aurais tué pour traîner avec les gens cools, ceux qui foutaient la merde, ceux qui avaient un style, les originaux, les mecs canons, les filles trop hypes qui avait le dernier pantalon en viscose diablesses ou les plateformes-shoes Buffalo, un manteau Schott, et le vrai hein, celui avec le scratch.
Le rêve est vite devenu une réalité. Mon look de gothasse, mes amis plus vieux, mes connaissances musicales et mes piercings ont fait de moi, au lycée, une fille tout à fait respectable, à la limite du cool. 

Je n’ai pas eu à souffrir des blagues méchantes de mes compatriotes, personne n’a jamais osé moquer mes New-rock, mes croix renversées au cou ou mon maquillage outrancier soit par peur de s’en prendre une sur le nez soit parce que j’ai eu la chance de tomber au moment où être goth, c’était classe.

Mais je sais que certaines de mes copines de classe ont souffert de ça, de ne pas être cool et ont espéré longtemps grandir vite pour ne plus avoir à subir le concour permanents du plus branché de la classe.
Or, il faut se rendre à l’évidence, Il y a de forte chance pour que l’open-space dans lequel, elles ont atterri ressemble à leur salle de classe et leur entreprise en lycée pour salariés.
 J’espère pour elles qu’elles n’ont pas atterri dans la pub.

Car dans mon agence comme dans toutes les agences, il faut être cool. Jeune et cool. La coolitude est le nerf de la guerre encore plus ici que dans mon lycée aisé du 95. Évidemment cette coolité est aujourd’hui factice puisque les agences n’ont plu ni argent, ni drogue, ni reconnaissance. Mais sauver les apparences passe par sauver les habitudes originalo-brancho-cool de nos aînées beigbederien.

 Nota : Beigbederien. : adj.  vient de Beigbeder : écrivain souffreteux et chouineur mais tout à fait lolant quand il s’y met (rarement). La junk-food de la littérature pleine d’acides gras saturés : facile à ingérer et très mauvais pour la santé. Ex : « Tu t’en mets plein le pif et tu gâches ton once de talent, ton comportement est beigbederien ».

La coolitude passe par des milliers de petits codes très subtils mais essentiels que je m’empresse de déchiffrer pour vous, les has-been premiers de la classe. Vous auriez aimé me connaître avant ?
Oui sauf qu’avant je n’aurais jamais osé vous parler de peur de perdre mon statut de branchée. 

Or aujourd’hui que je fais partie de ce qu’il y a de plus ringard dans l’agence, je suis des vôtres et je vous lèche les converses pour que vous m’acceptiez à votre table du fond de la cantine.
Allez laissez-moi m’asseoir avec vous ce midi et je vous explique.
Oui je mange mon dessert, lâche-ça immédiatement.
Ahem. Donc .

Il faut être cool sur tous les fronts, vestimentairement parlant déjà  parce que la première impression est la seule acceptable la plus importante.
Il faut porter la mèche basse sur l’œil, les lunettes très grosses et de marques, le pantalon serré plus fort qu’un garrot, le T-shirt avec un dessin humoristique type geeko-philosiphico-design du type :
 - « NY © ME » ou « I © Kazakhstan »
 - Les positions du Kama Sutra avec une frite et une moule pour illustrer.
 - Une  pin-up avec ta tête d’Hitler

Une petite touche négligée crado est toujours recommandée : avoir une queue-de-cheval mal faite pour les filles, une barbe plus que naissante pour les garçons.
Il faut oser les couleurs, les complémentaires, les flashys, les camaïeux, tout est permis et encouragé : aujourd’hui j’ai vu un DA (comprenez directeur artistique mais le dire en entier, ça craint) avec un t-shirt jaune poussin et un gilet échancré turquoise par-dessus, des baskets vert-pomme et un jean délavé.
La description ci-dessus te fait penser à celle d’un clown ? Normal, tu es tombé dans un cirque.

 Il faut être cool dans ses attitudes : ne jamais rapporter sa gamelle qui est décidément trop has-been, ni de plats surgelés, ni rien qui vienne de chez toi. Dans la limite du possible reste loin du micro-onde coincé au fond du couloir et qui sent la vieille choucroute, c’est décidément un comportement périmé (comme le plat chauffé avant le tien).
Préférer du subway/des sushis/des salades-cuisine fusion kimuchi-pâté de foie-reblochon-clémentine sauce wasabi ou canard laqué-cannelle-riz au lait et sa mayonnaise de hareng. 
Ou, à la limite, quérir un sandwich à la boulangerie. Mais vraiment quand t’es en rade de tickets resto. Dans ces cas-là crie le bien fort «  Sorry les mecs (dire « mecs » même quand il n’y a que des filles), mais j’ai fait un resto tibétain hier, je suis en rade. Je vais me prendre un crudités-tofu

 Le butin acheté, filer en groupe de minimum 27 au parc et y enlever ses converses violettes pour se vautrer dans l’herbe comme cochon dans la fange, la tête sur la cuisse d’une collègue, parce qu’on est  avant tout des amis et surtout on est hyperdétendus et COOL (et aussi parce qu’on l’a baisée sur un bureau du 5e à la dernière soirée d’agence, à moins que ce soit sa collègue d’en face… hum).
Si réunir tout ce petit monde est trop compliqué, s’écraser par petits groupes de deux/ trois dans le patio. Pour l’occasion  revêtir  ses plus belles ray-ban à montures d’écailles achetées très cher dans le Grand-optical d’en face.

Avant de rentrer au bureau, passer au starbucks puis fumer une clope devant les portes de l’agence,  et laisser pendre négligemment le Thermos individuel de thaï tea Soja à son bras.
J’ai bien dit THERMOS INDIVIDUEL pas « petit gobelet jetable en carton ». La grande mode du moment pour faire américain comme dans Ally McBeal mais avec dix ans de retard. Être pour l’économie des ressources naturelles, pour le commerce équitable, pour les p’tits africains. Et contre la guerre.

Discuter  de concert de post-acid-house-rockab’ transe nu-jazz vu la veille. Même si on est en pleine semaine, sortir le soir tard, SURTOUT en pleine semaine. Ne jamais arriver avant 11h au taff pour cette raison.

La coolerie est aussi une affaire de manière et de vocabulaire, on ne dit pas  « bonjour Marie-Christine », on dit « Salut MC », on ne dit pas « cordialement » dans les mails, on écrit le bisou, on tutoie son chef et on se permet des familiarités.
Le chef : Jean-Julien, il est où le visuel de la campagne des yaourts à la con là… ? (le chef aussi est cool , il rit avec toi ahah ohoh hihi).
Jean-Julien : Dans ton cul !
Les deux : ahah ohoh hihi.
Par contre Jean-Ju, il a intérêt à savoir au millimètre prêt où est le visuel en question sinon il se fera dégager comme une grosse merde. Mais ça, on ne le dit pas, c’est pas COOL.

 Avoir beaucoup de poster, cartes postales, dessins, photos lolantes autour et sur son bureau. Être créatif et ne pas hésiter à rajouter une parodie de la dernière annonce caricaturée pour un pot de départ/ une phrase de Nietzsche/ Un post-it avec une bite dessinée sur le bord de l’écran.

Astuce : J’ai opté pour une présentation SM qui marche à ravir : Fond d’écran « maison-close »/ Girafe Sophie bandage et collier de soumis sur la lampe de bureau. J’ai repris deux points sur l’échelle de la coolitude. Que j’ai reperdu immédiatement avec une bouteille de Badoit menthe.

Voilà. Vous êtes prêt à entrer dans la coolerie professionnelle. Allez les ringards, volez vers votre destinée de bobo hype.
Pour ma part j’ai décidé de rester dans le coin des has-been, dans l’ombre avec un supplément compote Pom’pote, un livre, sans iPhone et sans mèche, près des poubelles et prête à faire part au monde du ridicule de la situation. 

 Ne me remerciez pas, ça aussi c’est cadeau.
(Mais j’accepte les bons FNAC, les Chèques-livres et les desserts en rab’).

3 commentaires:

  1. J'ai dû naître avec les gènes qui n'allaient pas bien quand je lis tout ça...
    Geek, looser devant l'éternel

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  2. Putain C'est pas possible de lire des billets pareil ça ne te prends pas l'envie parfois d'écrire normalement sans gerber à travers ton clavier?

    Nath L'autre

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